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Quand traduire c’est surtout trahir

L’épidémie de Coronavirus a permis à de nombreux gouvernements d’adopter de bonnes pratiques en faisant appel à des interprètes en langue des signes pour traduire leur prises de parole.

La France en ce domaine est un excellent exemple, nous y reviendrons prochainement.

Hélas, tout n’est pas parfait et récemment un article du journal L’Union intitulait un de ses articles : « Coronavirus – A Châlons, découvrez qui est la traductrice en langue des signes des discours de la Ville ».
Pour être honnête nous aurions préférer ne pas la découvrir.

Extrait :

  • « Elle vit à Châlons où elle a grandi et travaille en tant qu’assistante juridique, actuellement en télétravail.
  • Quand elle a vu que le maire de Châlons faisait des retransmissions face caméra de ses conférences de presse « spécial confinement », elle s’est portée volontaire spontanément.
  • Cette première expérience, notamment improvisée, lui donne l’impression d’être utile.
  • Un mot lui a notamment posé problème, c’est « évolution », pas évident à traduire. Pour le reste, « confinement », « masque » ou « quarantaine », Sophie Renard a pu réviser grâce aux réseaux sociaux. »

Vous pouvez accéder à l’article complet ici : https://www.lunion.fr/id143437/article/2020-04-04/coronavirus-chalons-decouvrez-qui-est-la-traductrice-en-langue-des-signes-des

Inutile de vous dire que le résultat de sa traduction est catastrophique, ca n’a aucun sens.

Pour que chacun puisse s’en rendre compte et comme nous avions un peu de temps à cause du confinement, nous avons traduit et sous-titré sa prestation.

Soyons clair : L’objectif n’est pas de se moquer (un peu quand même) mais de souligner qu’on ne s’improvise pas interprète en langue des signes. C’est un métier qui s’apprend (5 années d’études) et avoir un bon niveau en langue des signes est une condition nécessaire mais pas suffisante pour devenir interprète.
Par exemple, une personne entendante enfant de parents sourds signeurs a pour langue naturelle la LSF (on appelle ces personnes CODA pour Children of Deaf Adults). Mais sa seule filiation, son héritage linguistique ne lui permet pas de s’auto-proclamer interprète F-LSF sinon un fils de plombier serait naturellement un as de la robinetterie, la fille d’un chirurgien émérite pourrait opérer sans avoir suivi des études de médecine et le fils du voisin qui est pilote de ligne serait embauché par Air France après avoir eu son baccalauréat (ou pas). £
Comme pour chaque métier il faut faire l’effort d’apprendre la théorie (le code déontologique par exemple), la pratique (les stratégies d’interprétation) en plus de parfaire son expression en LSF et en français (voire une 3ème langue).
De plus, de longues périodes de stages pratiques auprès d’interprètes diplômés permettent d’acquérir les bases de ce métier passionnant.

Quant à Monsieur Apparu il devrait faire attention et savoir s’entourer de personnes professionnelles, compétentes et bien sur diplômés pour le metier qu’elles exercent.

Entre de bonnes mains

Les images étant souvent plus explicites que les mots (dixit Napoléon), des membres de l’AFILS (Association Française des Interprètes et Traducteurs en Langue des Signes) ont eu l’idée de lancer une série intitulée : EDBM ou « Entre De Bonnes Mains ».

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Sur un format court, 2-3mn, il s’agit de montrer différentes facettes de notre métier d’interprète en langue des signes, ce qu’il faut faire ou ne pas faire en sa présence, à quoi il peut servir ou ne pas servir, bref de changer la vision qu’on les un.e.s et les autres sur notre métier et sur la communauté sourde…

Chaque mois l’une des antennes régionales de notre association réalise un court métrage et le diffuse. 3 vidéos ont déjà été produites, je vous mets pour exemple celle des breton.e.s (antenne AFILS Breizh) qui est franchement drôle.

Pour en voir d’autres , c’est par ici : chaine Youtube de l’AFILS

L’art de la traduction par Aurélia et Vivien

Il devient urgent de réveiller ce blog qui somnole depuis la fin de l’été.

Mais comme je n’ai pour le moment pas beaucoup de temps à lui consacrer, je vais vous renvoyer chez ma collègue Aurélia Nana Gassa Gonga qui, elle aussi, tient un blog : La Tête Froide.

Son dernier article est sensationnel. Aurélia en plus d’être une interprète en langue des signe française est une thésarde. Autrement dit, c’est une doctorante qui rédige actuellement une thèse sur la traduction (hé oui, nous avons quelques têtes parmi les interprètes en langue des signes). Elle y parle de la magie de la  langue, de sens, de grande iconicité, etc. Tout ce que les linguistes adorent !

Pour notre plus grand plaisir elle s’est amusée à présenter le sujet de sa thèse en 180 secondes (c’est très à la mode).
Là où c’est soudain beaucoup plus original est qu’elle a fait traduire sa présentation. Attention, j’ai bien dit traduire et non interpréter, ce qui est logique car sa thèse est sur la traduction, pas sur l’interprétation.
Pour cela elle a pris Vivien Fontvieille qui est traducteur diplômé de l’université de Toulouse. Comme tout traducteur, il part d’un texte pour le traduire dans une autre langue (la LSF dans le cas présent) vers un autre support (vidéo en l’occurence). Il faut cependant préciser que la LSF, pour Vivien c’est sa langue première. En effet, il est sourd. Bref, il n’a pas entendu la présentation, il l’a lue.
Pourtant à l’écran, Aurélia parle et Vivien est en bas à droite dans son rectangle, comme n’importe quel interprète en langue des signes ; il suit le rythme et le débit endiablé d’Aurélia.

Et vous, vous suivez toujours ?

La Tête Froide, le blog d’Aurélia Nana Gassa Gonga 

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© Stéphan – ( i ) LSF

Soutenez la création d’un centre relais téléphonique

Cette semaine, au Sénat, sera présenté le projet de loi « Pour une République Numérique » et son fameux article 43 (dont je vous ai déjà parlé) qui doit permettre la création d’un centre relais téléphonique généraliste.

Ce système, déjà opérant aux Etats-Unis depuis plus de 10 ans, consiste à intégrer dans la communication un dispositif intermédiaire assurant la transcription ou la traduction, depuis la langue parlée vers la langue écrite ou la langue des signes, et vice-versa.
Dans le cas de la langue des signes, l’usager sourd contacte le centre relais téléphonique via une webcam. Un interprète diplômé réceptionne son appel en LSF et le traduit en français oral à la personne entendante que le sourd voulait joindre (et inversement).
Ainsi sourds et entendants peuvent facilement communiquer par téléphone via des interprètes F-LSF.

Mettre en place ce système semble une évidence. Pourtant nombreuses sont les réticences pour des raisons financières et autres intérêts privés.

L’AFILS ainsi que de nombreuses associations – FNSF, UNISDA, MDF, AFIDEO, ANPEDA, ANPSA, FNAF, Aditus – ont, par leur action, permis que l’article 43 soit modifié en prenant en compte leurs préconisations.

Il faut à présent encourager les sénateurs puis les députés à voter cet article tel qu’il est rédigé aujourd’hui.

Pour cela je vous encourage, pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait,à signer la pétition que nous avons mis en ligne :

Pétition pour que les personnes sourdes ou
handicapées de la communication puissent téléphoner 

En bonus une vidéo, réalisée par l’agence Aditus et très joliment interprétée en LSF par ma collègue Alexandra, dans laquelle je vous explique succinctement pourquoi l’AFILS soutient l’article 43 et la création d’un centre relais téléphonique universel, généraliste et de qualité.

Être interprète pour un voleur ? C’est possible !

Etre interprète en langue des signes peut vous amener à travailler dans des situations inconfortables comme le prouve cette vidéo en anglais-BSL (British Sign Language).
C’est pourquoi nous n’en voudrons pas à notre collègue de perdre parfois un peu de sa nécessaire neutralité vu le contexte anxiogène.

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© Stéphan – ( i ) LSF

Je voudrais devenir… interprète en langue des signes

Je dois l’admettre, j’ai un peu délaissé mon blog ces dernières semaines, accaparé par mon boulot, la participation au Conseil d’administration de l’AFILS et tant d’autres raisons.

Heureusement, des collègues travaillent pour moi et me simplifient la tâche d’alimenter régulièrement en billets originaux et intéressants Des Signes et des Mots.

C’est le cas de Lieve, interprète en langue des signes non pas française mais flamande.
Dans le cadre de sa série « Je voudrais devenir… » Arte lui a consacré un reportage de 10mn que voici : 

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Amusant de relever les points communs avec les interprètes en langue des signes qui travaillent en France : le temps passer dans les transports, comment les nouveaux signes apparaissent, l’importance du secret professionnel…

Quelques différences aussi : nous ne traduirions jamais un journal télévisé de 45mn tout seul. Nous serions deux ou trois interprètes travaillant en relais.
Et je n’ai jamais vu un collègue portant ainsi ses bretelles.

Ce qui est universel dans ce métier comme le souligne Lieve à la fin, c’est la joie que nous avons à rencontrer chaque jour de nouvelles personnes, à apprendre tant de choses intéressante et notre sale habitude à toujours parler avec les mains !

Coïncidence : quelques jours avant la diffusion de ce reportage, j’ai eu la chance de travailler avec Lieve lors d’une conférence où étaient présents des sourds français et des sourds belges-flamands.
Elle est comme dans ce reportage : souriante, inépuisable, sympa et terriblement efficace.

Capture d'écran 2016-02-12 21.25.16

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© Stéphan – ( i ) LSF

Un regard très « british humour » sur l’interprète en langue des signes

The Sketch Show était une émission de télévision britannique diffusée sur ITV de 2001 à 2004. Bien que récompensée par de nombreux prix, elle fut arrêtée faute d’audience suffisante.

Dans ce sketch, c’est un interprète en langue des signes qui est mis en scène. Ronny, la jeune femme est interrogée sur l’ouverture d’un nouveau centre spécialement aménagé pour la communauté sourde.
Lee, l’interprète à ses cotés, pratique une langue des signes qu’on pourrait qualifier d’ultra-expressive et véhémente. Le reste se passe de commentaires…

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Certes c’est en anglais mais si besoin vous pouvez activez les sous-titres pour vous aider à comprendre les dialogues.
De toute façon, visuellement c’est hilarant.

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Merci à mon collègue Samuel pour cette trouvaille

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© Stéphan – ( i ) LSF

Comment dire ?

Être interprète ou traducteur ne signifie pas seulement intervenir lors de conférences internationales, de grandes conventions d’entreprises ou pour traduire le dernier prix Pulitzer ou Goncourt.

Être interprète ou traducteur, et particulièrement être interprète ou traducteur en langue des signes, c’est aussi pénétrer dans l’intimité d’une vie. Nous sommes présents pour des instants de bonheur et de fêtes (naissance, mariage, achat d’une maison…), mais aussi lors de l’annonce d’une maladie incurable, d’un décès, d’un divorce conflictuel, d’un interrogatoire de police sur des suspicions de pédophilie, lors d’un entretien de licenciement…
Difficile dans ces instants de garder la neutralité attachée à notre métier, difficile aussi d’avoir le courage de tout traduire sans rien omettre ou tenter d’adoucir le propos tout en sachant que cela fera souffrir la ou les personnes présentes.

Ce long préambule pour introduire cette étonnante expérience via une caméra cachée

Capture d'écran 2015-04-15 22.23.18

L’histoire : des personnes sont convoquées pour un casting. Elles ne sont ni interprètes ni traducteurs.
Un homme, déjà présent, leur demande de traduire un message qu’il vient de recevoir via Facebook, mais écrit en lituanien, langue qu’il ne parle pas.
Même si on ne comprend pas l’anglais ou qu’on ne lit pas le lituanien (langue du sous-titrage), il suffit de regarder le visage de ces gens pour comprendre l’ambivalence de leur sentiments, entre le désir d’aider et la réticence à traduire ces mots de haine. Et on comprend que devoir tout traduire, d’une langue vers une autre, le plus fidèlement possible est infiniment difficile.

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Être interprète ou traducteur implique parfois de devoir transmettre un message qui n’est pas facile à partager et face à de telles situations de détresse si les années de formation universitaires que nous avons suivies ne nous apportent sans doute pas la solution miracle, il est certain en revanche qu’elles nous y préparent.
Grâce à notre rigueur mais aussi à nos expériences professionnelles passées et à notre humanité nous permettons une communication ouverte même dans les situations émotionnellement difficiles.

Mise à jour (18/04/15) :
Merci à Marion qui me signale que la vidéo avec sous-titrages en français est visible en suivant ce lien

https://www.facebook.com/sofiane.soso75/videos/10206465120136173

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Cette vidéo est réalisée par l’agence www.svetimageda.lt basée en Lituanie.
Son site web (en lituanien) a pour objectif de délivrer des conseils pour savoir réagir face des insultes raciales ou homophobes.

© Stéphan – ( i ) LSF

Attention aux « Mains Baladeuses »

Ceux qui me connaissent savent que je n’apprécie guère (c’est un euphémisme) toutes ces démonstrations de « chant-signes » qui fleurissent sur internet et notamment sur YouTube (un exemple parmi des milliers avec cette « Dame à la Licorne et au Lion ») : c’est laid, bête, m’as-tu-vu, incompréhensible. Heureusement au milieu de cet océan de ratages absolus flottent quelques îlots de qualité. Je vous avais déjà parlé de Katia Abbou et de son groupe Frolo. Aujourd’hui je vous présente « Les Mains Baladeuses » qui font un travail joyeux, sympa, vivant, festif ! maxresdefault Ces mains baladeuses et talentueuses appartiennent à un groupe d’interprètes diplômés F/LSF qui se sont connus sur les bancs de l’université à Lille : Marine, Fanny, Marina, Laurène, Océane, Lucie, Guillaume. Dans le cadre de leur scolarité ils ont proposé, comme exercice pratique, de traduire, adapter, jouer des chansons qu’ils aimaient. Devant le succès de ces premières productions ils ont décidé de poursuivre l’aventure et le résultat est toujours excellent, inventif, artistique comme vous pouvez le voir sur l’un de leurs derniers clips ultra-dynamique : « Le Jerk ». https://www.youtube.com/watch?v=gLqPmNy-_6A D’ailleurs je ne suis pas le seul à les apprécier. L’été dernier ils étaient invités au festival « Au Foin de La Rue » à Saint Denis de Gastines où ils sont montés sur scène avec les Ogres de Barback : https://www.youtube.com/watch?v=a2pjaJOtz3M Si je vous en parle aujourd’hui c’est qu’ils seront présents à la Journée Mondiale des Sourds qui se déroulera à Paris samedi 27 septembre. Sur la place Colette, à partir de 11h (avant le départ de la grande marche) ils vous présenteront quelques chansons mises en signes de leurs mains agiles. J’y serais bien sûr et comme j’aime beaucoup le morceau j’espère qu’on aura le plaisir de l’écouter et de le voir « Voyage en Italie » (c’est un message personnel aux artistes). 10347722_845784685455532_1406095634326348705_n Je vous encourage aussi à les suivre via leur page Facebook : Les Mains Baladeuses Et pour visionner d’autres vidéos du groupe Les mains baladeuses, voici leur chaine YouTube.