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The LangFM podcast – Signs of the Times

Alexander Drechsel est interprète de conférence à la Commission européenne. Ses langues sont l’allemand (A), l’anglais (B), le français et le roumain (C).
Mais il n’est pas que cela.

Il adore les langues, les nouvelles technologies, les portables, les tablettes… Il aime communiquer, échanger avec ses collègues, il a un compte Twitter… Jusque là rien de très original.
Ce qui le distingue est qu’il est le créateur et l’animateur d’un Podcast, LangFM. Il vous fait voyager et rencontrer des personnes du monde des langues : interprètes, traducteurs, professeurs de langue et bien d’autres. Souvent en anglais, parfois en allemand et une fois en français ses témoins vous parlent de leur parcours, de leur métier, de leur voix, de leurs langues…

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Alexander, depuis plusieurs années est fasciné (ce sont ses mots) par l’interprétation en langue des signes, spécialité qui devient de plus en plus visible, à la télévision, lors des campagnes électorales… D’ailleurs les interprètes en langue des signes peuvent à présent adhérer à l’AIIC (Association internationale des interprètes de conférence) preuve qu’ils sont enfin reconnu à leur juste valeur. Même le Parlement européen s’y met comme il le raconte dans l’épisode 28 de son Podcast : #EUsigns of the time.

Il a décidé de créer une mini-série intitulée : « Signs of the Times ». Elle comporte 3 émissions.
– La première, en anglais, est une interview de Jemina Napier , Annelies Kusters et Graham Turner, sur l’histoire de la BSL (British Sign Language), la communauté sourde au Royaume-Uni, les interprètes (bien sur)…

– Signs of the times I: The story of the BSL (Scotland) Bill – 

– La seconde est en allemand (donc je n’ai rien compris) : Alexander discute avec Laura Schwengber, une interprète en langue des signes qui s’est notamment intéressée à l’interprétation de chansons, comme on a pu voir lors des dernières retransmissions de l’Eurovision (merci DeepL pour la traduction).

– Sign of the times II: Ausflug nach Gehörlosistan mit Laura Schwengber –

– enfin la troisième emission est en français. Je laisse Alexander vous la présenter : « Bonjour. Vous écoutez LangFM, le podcast sur les langues et les gens; ce que les gens font avec les langues et ce que les langues font avec les gens. Cette épisode est la troisième, et la dernière, dans une petite série à propos des langues des signes. J’ai commencé en Ecosse avec le professeur Jemina Napier et Graham Turner et l’histoire de la British Sign Language Scotland Act. Après, j’ai rencontré Laura Schwengber en Allemagne, où elle invite les sourds de vivre à la musique que, normalement, ils ne peuvent pas entendre. Et bien voilà, maintenant, on conclut la série en France avec Stéphane Barrère qui nous parle de son parcours personnel et de la vie d’hier et d’aujourd’hui des sourds en France. Bonne écoute. »

– Sign of the times III: Stéphan Barrère – 

Notons qu’Alexander a la bonne idée de proposer une retranscription écrite de ses entretiens, utile pour les sourds mais aussi pour ceux qui ne seraient à l’aise avec la langue de Shakespeare, de Goethe ou de Molière.

Bonne écoute !

© Stéphan – ( i ) LSF 

Mélenchon et son « fake interpreter »

Ma vie professionnelle ne me laisse que peu de temps pour alimenter ce blog qui risque de sommeiller jusqu’en septembre 2017 et les conférences Efsli à Toulouse.

Cependant, j’essayerais de l’alimenter avec des articles de presse selon l’actualité.

Actuellement la grande affaire qui agite le monde merveilleux des interprètes en langue des signes est la campagne présidentielles avec ses nombreux ratés.

Un premier exemple avec Mélenchon qui, pour ne pas payer des professionnels compétents, a fait appel à un pseudo-interprète militant qui a traduit n’importe comment.

Cela nous est raconté par Paul Aveline de Buzzfeed :
https://www.buzzfeed.com/paulaveline/la-tres-etrange-traduction-en-langue-des-signes-des-voeux-de

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Jeudi 5 janvier, Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, exprimait en direct sur sa chaîne Youtube ses voeux aux Français. Pendant plus de 30 minutes, le candidat de gauche a évoqué divers sujets de politique française et internationale, le tout traduit en direct par un interprète en langue des signes, en bas à droite de l’écran.

Pour voir la vidéo : youtube.com

Problème: il est rapidement apparu que l’interprète n’était pas très précis dans sa traduction des propos de Jean-Luc Mélenchon. C’est Stéphan Barrère qui l’a fait remarquer sur Twitter dans une série de tweets assassins pour celui qui traduit les mots du candidat à l’écran, Antoine Bonnet.

Contacté par BuzzFeed News, Stéphan Barrère, interprète diplômé en langue des signes, précise son propos:

«C’est n’importe quoi et ça se voit tout de suite. La langue des signes, c’est une langue avec une grammaire. Là, il entend les mots et les traduit, mais sans aucun lien entre eux. C’est comme si vous aviez quelqu’un qui parlait français mais en inversant tous les mots dans la phrase.»

Dans quelle proportion cette traduction est-elle erronée? Nous avons demandé à Stéphan Barrère de nous retranscrire, tels qu’il les comprenait, les signes donnés à l’écran par Antoine Bonnet. Le résultat est pour le moins surprenant.

Pour chaque paragraphe, la traduction en langue des signes est placée après la retranscription des propos de Jean-Luc Mélenchon:

Après avoir introduit ses voeux, Jean-Luc Mélenchon critique… la tradition des voeux.

Le candidat de gauche annonce finalement plusieurs déplacements autour de différents sujets, dont un au Mans pour parler de la sécurité sociale.

Les passages retranscrits représentent les deux premières minutes (sur les 32 au total) du discours de Jean-Luc Mélenchon. Difficile, dans ces conditions, de comprendre clairement de quoi parle le candidat tant les phrases sont hachées et décousues. L’interprète visible dans la vidéo est Antoine Bonnet, militant de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, et interprète en langue des signes «amateur», comme il le dit lui même.

Auprès de BuzzFeed News, Antoine Bonnet reconnaît qu’il n’a aucun diplôme en langue des signes, et qu’il participe aux discours de Jean-Luc Mélenchon totalement bénévolement et explique les difficultés qu’il a eues à traduire les propos de son candidat:

«Je ne suis pas interprète diplômé. Je suis militant. Je connais bien Jean-Luc Mélenchon, et il faut savoir que dans cette campagne tout le monde est bénévole. Je l’ai fait pour remplacer. Mais les conditions n’étaient pas faciles.Les sujets étaient très compliqués, on n’entendait pas bien. C’était très difficile.»

Pourquoi l’équipe de Jean-Luc Mélenchon n’a-t-elle pas choisi d’engager un ou plusieurs traducteurs professionnels pour assurer la retranscription du discours du candidat? Selon Stéphan Barrère, la raison est pécuniaire:

«L’équipe de Mélenchon a demandé des devis. Pour un meeting, on met toujours deux interprètes pour qu’ils se relaient toutes les 15 minutes. Là ils ont dû trouver ça trop cher.»

Même son de cloche chez Antoine Bonnet qui confirme que le staff du candidat a effectivement demandé des devis à des interprètes reconnus, mais que les finances du parti ne permettaient pas de les engager:

« Au départ, la direction de la campagne voulait des vrais traducteurs, et donc ils ont demandé des devis. Les tarifs étaient exorbitants. On leur a demandé 600 euros pour 30 minutes de traduction. C’est deux fois plus cher que les tarifs normaux. »

Si le tarif annoncé par Antoine Bonnet est exact, il est en effet en complet décalage avec celui présenté par Stéphan Barrère qui explique à BuzzFeed News qu’il faut compter «230 euros en général pour un meeting, plus éventuellement une majoration en soirée».

Contacté par BuzzFeed News, un des porte-parole de Jean-Luc Mélenchon confirme que l’équipe de campagne a cherché à faire au moins cher: «pour ces voeux, on a essayé comme toujours de faire sur la base du volontariat pour éviter des dépenses somptuaires». Ce porte-parole confirme en effet que des devis ont été réalisés mais «un militant s’est proposé pour le faire, or on marche presque toujours sur la base du volontariat parce qu’on n’a pas beaucoup d’argent, il faut bien le dire».

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© Stéphan – ( i ) LSF

Lydia Callis, a star is born !

Lydia Callis, l’interprète officielle en langue des signes américaine (ASL) du maire de New-York, est devenue en quelques heures une véritable star aux États-Unis tandis que sévissait la tempête Sandy.
Lors des conférences de presse télévisée durant lesquelles Michael Bloomberg, solennellement, mettait en garde ses concitoyens sur les risques à venir et énonçait les mesures à prendre pour se protéger, Lydia Callis traduisait ses propos avec beaucoup d’enthousiasme comme vous pouvez le constater dans la vidéo.

Selon de nombreux journalistes ou internautes, le contraste saisissant entre le maire un peu guindé et l’interprète avec son style très expressif offrait aux new-yorkais une sympathique éclaircie tandis que s’abattaient des trombes d’eau sur la ville.
Ainsi que le rapporte le New-York Times, dans « ce flot d’informations décrivant les ravages causés par la tempête Sandy il y avait peu de place pour la joie sauf s’il vous arrivait d’apercevoir Lydia Callis en action à côté du maire ».

Peu d’interprètes en langue des signes accèdent à la gloire (ce qui est normal, nous sommes là pour traduire des échanges, pas pour nous mettre en avant). On nous remarque en début de conférence ou de l’intervention que nous traduisons (« mais c’est qui ce type qui agite ses mains à coté de l’orateur?« ) puis on nous oublie.
Qu’un interprète soit connu par son nom est exceptionnel. Il y a eu bien sûr Leslie Grange, la « fausse interprète » britannique qui voyait des zombies partout et aux Etats-Unis on peut citer Jack Jason qui a atteint une certaine notoriété en tant qu’interprète de l’actrice Marlee Matlin tandis qu’elle participait aux émissions « The Celebrity Apprentice » ou « Dancing with the Stars ».

Autre nouveauté, pour Lydia Callis, sa célébrité est née grâce aux réseaux sociaux. Par exemple, il a suffi d’une ou deux apparitions sur les chaines de télévision américaines pour qu’aussitôt un Tumblr, avec une sélection de photos (plus ou moins drôles) d’elle en action soit crée.

Sur Twitter (comme le montrent les captures d’image ci-dessous) on chante ses louanges, on s’étonne de ses expressions faciales, on s’amuse de ses grands gestes à côté d’un maire très sérieux. Ses fans se disent hypnotisés, d’autres lui déclarent leur amour, ils affirment qu’ils pourraient la regarder pendant des heures…

Au-delà de ces remarques amusantes et de cette gloire éphémère, il faut surtout saluer sa présence continue au coté du maire en ces moments importants. Grâce à elle, des millions d’américains sourds ou malentendants ont pu comprendre les recommandations formulées par leur maire et prendre les précautions utiles.

Les autorités françaises feraient bien de s’en inspirer comme le rappelle justement Olical22 sur Twitter.

Nous sommes tous des citoyens français, devant les catastrophes nous sommes tous égaux, il serait donc logique que nous soyons également tous égaux quant à l’accessibilité de l’information.

Or aujourd’hui, en France, cela n’est pas le cas. Une collègue parisienne me racontait ainsi qu’en 2001, après l’explosion de l’usine AZF, les sourds de Toulouse n’ont rien compris à ce qui se passait. Pourtant à la télévision il y avait des direct, des flashs infos… Mais ni sous-titrés ni traduits en LSF.
En 10 ans la situation n’a que peu évolué. Seul un journal matinal sur France 2 est traduit en LSF (plus un sur chacune des chaines d’infos en continu) et même les allocutions du Président de la République ne sont pas interprétées en direct (excepté les vœux du 31 décembre) car, nous explique-t-on, cela « ne ferait pas joli à l’écran ».