Étiquette : Mélenchon

« Accès-Cible », pour une campagne électorale accessible aux sourds

En réponse aux trop nombreux manquements et autres cafouillages en matière d’accessibilité de ce début de campagne pour l’élection présidentielle, un collectif (en lien avec l’Association française des interprètes en langue des signes, AFILS) s’est constitué dans le but d’alerter les candidats, les partis politiques et plus généralement nous les citoyens, sourds et entendants.
L’idée est d’organiser une mobilisation des interprètes et traducteurs en LSF ainsi que de la communauté sourde autour d’actions ciblées afin de créer le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux et d’attirer l’attention des différents candidats à la présidence sur les enjeux de l’accessibilité.
Cette action a été ingénieusement baptisée : « Accès-Cible »

Si vous êtes intéressés par « Accès-Cible » vous pouvez
– aimer la page Facebook : https://www.facebook.com/acces_cible
– suivre le compte Twitter : @acces_cible  

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Et ça marche !
La preuve, ma collègue Claire Bernadat a déjà été interviewée par une journaliste de Libération : elle y explique le comment du pourquoi d’ « Accès-Cible ».

  • Pourquoi avoir lancé le mouvement Accès-cible ?

Tous les cinq ans, c’est le même constat. Les meetings et les réunions publiques des politiques ne sont que trop rarement traduits pour les sourds et malentendants. Sans ces outils leur permettant de se renseigner sur les programmes électoraux, ils ne peuvent pas correctement exercer leur droit de vote. Après avoir envoyé des courriers aux candidats, en vain, on a décidé de passer à l’action. Notre but est de leur faire prendre conscience de cette situation. Nous voulons que tous les meetings, toutes les réunions publiques mais aussi la communication diffusée sur Internet soient systématiquement accessibles. Les sourds ne doivent plus être considérés comme des citoyens de seconde zone.

  • La traduction des vœux de Jean-Luc Mélenchon a été faite par un amateur. Elle était incompréhensible. Qu’est-ce que cette séquence vous évoque ?

C’est un exemple parmi tant d’autres. Après cet épisode, plusieurs politiques nous ont contactés pour faire traduire leurs meetings. Malheureusement cette démarche paraît plus motivée par la crainte de faire la même bourde. Dernièrement j’ai traduit un meeting. C’était absurde car la traduction était retransmise sur les réseaux sociaux mais pas dans la salle où avait lieu le discours. On a l’impression de ne pas être pris au sérieux par les politiques. Pour justifier l’absence d’interprètes, l’argument qu’on nous ressort souvent c’est le coût. Mais pour un meeting, trois interprètes coûtent grand maximum 2 500 euros, c’est peu comparé au coût d’un hologramme (entre 50 000 et 100 000 euros selon Sébastien Mizermont, directeur de création d’Adrénaline Studio, cité par le Huffington Post). Aux Etats-Unis, la traduction des meetings est systématique.

  • Quelles mesures proposez-vous pour faciliter l’accès à l’information pour les sourds et les malentendants ?

L’accessibilité totale et systématique aux réunions publiques, aux meetings et aussi aux vidéos retransmises sur Internet. Nous considérons qu’une accessibilité complète comprend le sous-titrage (vidéo montée) ou la vélotypie (vidéo et événements en direct) mais aussi la présence d’interprètes professionnels et diplômés. Mais les sous-titres ne peuvent pas se substituer à une traduction. Il ne faut pas oublier que la langue maternelle des sourds est la langue des signes et non la langue française. La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées le dit clairement : la langue des signes est une langue à part entière. Nous espérons pouvoir rappeler aux futurs ou actuels décideurs leurs devoirs et obligations quant au droit à l’égalité face à l’accès à l’information, particulièrement lorsqu’il s’agit de citoyenneté.

Propos recueillis par : Héléna Berkaoui © Libération 

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© Stéphan – ( i ) LSF

Mélenchon et son « fake interpreter »

Ma vie professionnelle ne me laisse que peu de temps pour alimenter ce blog qui risque de sommeiller jusqu’en septembre 2017 et les conférences Efsli à Toulouse.

Cependant, j’essayerais de l’alimenter avec des articles de presse selon l’actualité.

Actuellement la grande affaire qui agite le monde merveilleux des interprètes en langue des signes est la campagne présidentielles avec ses nombreux ratés.

Un premier exemple avec Mélenchon qui, pour ne pas payer des professionnels compétents, a fait appel à un pseudo-interprète militant qui a traduit n’importe comment.

Cela nous est raconté par Paul Aveline de Buzzfeed :
https://www.buzzfeed.com/paulaveline/la-tres-etrange-traduction-en-langue-des-signes-des-voeux-de

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Jeudi 5 janvier, Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, exprimait en direct sur sa chaîne Youtube ses voeux aux Français. Pendant plus de 30 minutes, le candidat de gauche a évoqué divers sujets de politique française et internationale, le tout traduit en direct par un interprète en langue des signes, en bas à droite de l’écran.

Pour voir la vidéo : youtube.com

Problème: il est rapidement apparu que l’interprète n’était pas très précis dans sa traduction des propos de Jean-Luc Mélenchon. C’est Stéphan Barrère qui l’a fait remarquer sur Twitter dans une série de tweets assassins pour celui qui traduit les mots du candidat à l’écran, Antoine Bonnet.

Contacté par BuzzFeed News, Stéphan Barrère, interprète diplômé en langue des signes, précise son propos:

«C’est n’importe quoi et ça se voit tout de suite. La langue des signes, c’est une langue avec une grammaire. Là, il entend les mots et les traduit, mais sans aucun lien entre eux. C’est comme si vous aviez quelqu’un qui parlait français mais en inversant tous les mots dans la phrase.»

Dans quelle proportion cette traduction est-elle erronée? Nous avons demandé à Stéphan Barrère de nous retranscrire, tels qu’il les comprenait, les signes donnés à l’écran par Antoine Bonnet. Le résultat est pour le moins surprenant.

Pour chaque paragraphe, la traduction en langue des signes est placée après la retranscription des propos de Jean-Luc Mélenchon:

Après avoir introduit ses voeux, Jean-Luc Mélenchon critique… la tradition des voeux.

Le candidat de gauche annonce finalement plusieurs déplacements autour de différents sujets, dont un au Mans pour parler de la sécurité sociale.

Les passages retranscrits représentent les deux premières minutes (sur les 32 au total) du discours de Jean-Luc Mélenchon. Difficile, dans ces conditions, de comprendre clairement de quoi parle le candidat tant les phrases sont hachées et décousues. L’interprète visible dans la vidéo est Antoine Bonnet, militant de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, et interprète en langue des signes «amateur», comme il le dit lui même.

Auprès de BuzzFeed News, Antoine Bonnet reconnaît qu’il n’a aucun diplôme en langue des signes, et qu’il participe aux discours de Jean-Luc Mélenchon totalement bénévolement et explique les difficultés qu’il a eues à traduire les propos de son candidat:

«Je ne suis pas interprète diplômé. Je suis militant. Je connais bien Jean-Luc Mélenchon, et il faut savoir que dans cette campagne tout le monde est bénévole. Je l’ai fait pour remplacer. Mais les conditions n’étaient pas faciles.Les sujets étaient très compliqués, on n’entendait pas bien. C’était très difficile.»

Pourquoi l’équipe de Jean-Luc Mélenchon n’a-t-elle pas choisi d’engager un ou plusieurs traducteurs professionnels pour assurer la retranscription du discours du candidat? Selon Stéphan Barrère, la raison est pécuniaire:

«L’équipe de Mélenchon a demandé des devis. Pour un meeting, on met toujours deux interprètes pour qu’ils se relaient toutes les 15 minutes. Là ils ont dû trouver ça trop cher.»

Même son de cloche chez Antoine Bonnet qui confirme que le staff du candidat a effectivement demandé des devis à des interprètes reconnus, mais que les finances du parti ne permettaient pas de les engager:

« Au départ, la direction de la campagne voulait des vrais traducteurs, et donc ils ont demandé des devis. Les tarifs étaient exorbitants. On leur a demandé 600 euros pour 30 minutes de traduction. C’est deux fois plus cher que les tarifs normaux. »

Si le tarif annoncé par Antoine Bonnet est exact, il est en effet en complet décalage avec celui présenté par Stéphan Barrère qui explique à BuzzFeed News qu’il faut compter «230 euros en général pour un meeting, plus éventuellement une majoration en soirée».

Contacté par BuzzFeed News, un des porte-parole de Jean-Luc Mélenchon confirme que l’équipe de campagne a cherché à faire au moins cher: «pour ces voeux, on a essayé comme toujours de faire sur la base du volontariat pour éviter des dépenses somptuaires». Ce porte-parole confirme en effet que des devis ont été réalisés mais «un militant s’est proposé pour le faire, or on marche presque toujours sur la base du volontariat parce qu’on n’a pas beaucoup d’argent, il faut bien le dire».

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© Stéphan – ( i ) LSF

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