Étiquette : Marie-Arlette Carlotti

France 2 : le journal de 20h interprété en LSF

A l’occasion de la 18e édition de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées du 17 au 23 novembre 2014, France Télévisions propose, pour la première fois, les journaux télévisés de 20h de France 2 interprétés en direct en langue des signes française (LSF) et en sous-titrage synchronisés.

Il faut se réjouir de cette avancée même si elle demeure timide. Enfin, la France, après de nombreux pays comme nos voisins belges (le JT de 19h30) ou suisses (le JT de 19h) se décide à pleinement reconnaître aux sourds le droit à l’information en la rendant accessible (pendant une semaine) à une heure de grande écoute sur une chaîne publique grâce à la présence d’interprètes en langue des signes française.
Il est cependant dommage que France 2 ne soit pas allé au bout de sa démarche et n’ait pas osé placer les interprètes F/LSF sur le plateau à coté de David Pujadas et permettre ainsi qu’ils soient visibles par tous depuis un poste de télévision traditionnel sur le canal hertzien ou la TNT.
En effet, pour les voir, il faudra utiliser son ordinateur car le service ne sera accessible que via internet sur le site Francetv Pluzz : http://pluzz.francetv.fr/france2-langue-des-signes

Pluzz_Semaine_du_Handicap_Picto_20H_SousTitres

Pourtant cette demande pour une présence régulière d’interprètes F/LSF durant un journal télévisé du soir ne date pas d’hier et les promesses (non tenues) ou les belles déclarations sont nombreuses.

Par exemple, à la fin des années 90, le Ministre délégué aux personnes handicapées, Philippe Bas affirmait :
« L’accès à la télévision est la condition même de la participation à la vie sociale. Informer, divertir, offrir à chacun les clés pour trouver sa place dans la société, pour devenir citoyen et s’ouvrir à la culture de son pays, telles sont les missions de la télévision. »
Plus récemment, en Janvier 2014 Marie-Arlette Carlotti, alors Ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, déclarait :
« La reconnaissance de la Langue des Signes Française, prévue par la loi, trouve toute sa place dans le secteur culturel. Nous devons aussi généraliser l’usage de la Langue des Signes Française à la télévision. Sous l’impulsion du CSA, les chaînes privées, et en particulier les chaînes d’information continue, ont fait de gros efforts en la matière. Désormais, il nous faut aller plus loin, en particulier sur les chaînes publiques pour que les téléspectateurs signants puissent suivre un journal télévisé du soir. Nous ne devons plus, en 2014, considérer la Langue des Signes comme une contrainte éditoriale. D’autres pays ne font plus la fine bouche devant cette accessibilité citoyenne. Soyons fiers de notre Langue des Signes Française et montrons là ! »

Or, permettre une information de qualité accessible à tous quelque soit leur niveau de vie, leur handicap, leur localisation géographique… doit être une exigence dans pays démocratique soucieux de ses concitoyens.

Il ne faut pas oublier qu’en ce domaine, la situation vécue par les sourds est bien différente de celle des entendants et, s’ils ne font pas preuve d’un certain acharnement, ils passent immanquablement à côté de l’information. En effet, nous, entendants, sommes inondés par un flot continu d’informations orales / sonores provenant de médias multiples (radio, télévision, Internet, téléphonie) qui nous permettent plus facilement et plus rapidement de nous construire une opinion, tandis que les sourds ont bien conscience d’être largement sous-informés et en constant décalage (donc exclus) par rapport au reste de la société du fait de l’inaccessibilité de certains supports comme la télévision.
Certes, aujourd’hui internet offre une information écrite à tout moment de la journée mais encore faut-il avoir accès à ce moyen de communication. De plus il y a souvent des problèmes de compréhension liés au vocabulaire propre aux informations qu’elles soient nationales ou internationales. Il est parfois difficile pour une personne sourde d’en saisir tous les mots, les subtilités et autres implicites, donc d’avoir accès au sens réel.

L’information délivrée par un journaliste, qu’elle soit écrite ou télévisée, se base sur des idées, des concepts et fait référence à des notions, des événements ou à des personnalités qui peuvent être inconnus d’une majorité de sourds et seule la présence d’interprètes F/LSF permettra à la communauté des sourds signeurs d’avoir un accès en direct à cette information télévisée, d’être ainsi des citoyens autonomes dans une société un peu plus égalitaire.

C’est Arlette Morel, ancienne Présidente de la Fédération Nationale des Sourds de France et initiatrice du premier service d’interprétation Français/LSF à Paris qui a, la première, exprimé les enjeux liés à cette nécessaire interprétation des JT : « l’interprétation en langue des signes permet aux sourds d’avoir accès in vivo à l’information. Autrefois, il y a une vingtaine d’années, en matière de politique, les sourds étaient influencés par leur entourage immédiat, souvent ils votaient comme leurs parents. Si on leur en donne les moyens, les sourds peuvent être des citoyens responsables et autonomes. Il faut que les sourds aient accès à la culture, à la formation et à l’information. »

C’est pourquoi il faut encourager cette démarche, même imparfaite, de France 2 et espérer qu’elle n’est qu’une première étape.
Car il est certain que l’interprétation en langue des signes du journal télévisé est l’une des clés pour que chaque sourd puisse librement se considérer comme un citoyen à part entière.

© Stéphan – ( i ) LSF

Journaux télévisés : des mots, des mots, mais peu de signes

Mardi 14 janvier 2014, Marie-Arlette Carlotti, Ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, déclarait :

« La reconnaissance de la Langue des Signes Française, prévue par la loi, trouve toute sa place dans le secteur culturel. Vous ne vous y êtes pas trompée, Madame la Ministre Aurélie Filippetti, en remettant il y a quelques mois les insignes d’Officier de l’ordre des Arts et des Lettres à Emmanuelle Laborit, directrice de l’International Visual Theatre. Nous devons aussi généraliser l’usage de la Langue des Signes Française à la télévision. Sous l’impulsion du CSA, les chaînes privées, et en particulier les chaînes d’information continue, ont fait de gros efforts en la matière. Désormais, il nous faut aller plus loin, en particulier sur les chaînes publiques pour que les téléspectateurs signants puissent suivre un journal télévisé du soir. Nous ne devons plus, en 2014, considérer la Langue des Signes comme une contrainte éditoriale. D’autres pays ne font plus la fine bouche devant cette accessibilité citoyenne. Le CIH a prévu un groupe de travail qui devra être installé prochainement pour envisager le développement de l’accessibilité télévisée en LSF en utilisant les canaux numériques. Mais l’affichage, pour tous, de la LSF à l’écran reste possible et nécessaire. Soyons fiers de notre Langue des Signes Française et montrons là ! »

carlotti

Les adeptes du verre à moitié plein ne pourront que se réjouir de cette annonce.
Enfin, la France, après de nombreux pays comme nos voisins belges (le JT de 19h30) ou suisses (le JT de 19h) se décide à pleinement reconnaître aux sourds le droit à l’information en la rendant accessible, à une heure de grande écoute sur une chaîne publique grâce à la présence d’interprètes en langue des signes française. Mieux, la Ministre, reconnaissant la beauté de cette langue veut qu’elle s’affiche, que nous en soyons fiers et propose… la création un groupe de travail. Soit.

Les contemplateurs du verre à moitié vide remarqueront simplement que lors de la campagne pour les primaires du PS à Marseille, Marie-Arlette Carlotti, pourtant fortement engagée dans le combat n’a jamais fait traduire en lsf ni ses interventions, ni ses discours, que sa campagne malheureusement fut largement inaccessible aux sourds faute d’interprètes.
Les mêmes souligneront surtout que ses voeux en tant que ministre en charge du handicap diffusés actuellement sur son site ne sont ni traduits en lsf ni même sous-titrés en français et ils auront alors l’étrange sentiment que ce discours, récemment prononcé, le fut d’abord pour faire plaisir aux membres de la Commission nationale culture-handicap mais que cela n’ira pas plus loin. Ils sortiront alors de la naphtaline ce fameux adage de Jacques Chirac : « les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire ».
Et ils en concluront perfidement que notre ministre devrait s’appliquer à elle-même ses beaux préceptes pour être crédible.
Enfin, ils ajouteront, un peu désabusés, que si déjà, on se décidait à totalement appliquer la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’accessibilité à l’information donc à la citoyenneté serait garantie comme le soulignait Jérémie Boroy dans un article de Libération il y a deux ans.

Quant à moi, je rappellerais simplement que déjà, à la fin des années 90, l’ancien Ministre délégué aux personnes handicapées, Philippe Bas affirmait que « l’accès à la télévision est la condition même de la participation à la vie sociale. Informer, divertir, offrir à chacun les clés pour trouver sa place dans la société, pour devenir citoyen et s’ouvrir à la culture de son pays, telles sont les missions de la télévision ». 
Qu’en ce domaine, la situation vécue par les sourds est bien différente de celle des entendants et que s’ils ne font pas preuve d’un certain acharnement, ils passent immanquablement à côté de l’information. En effet, nous, entendants, sommes inondés par un flot continu d’informations sonores provenant de médias multiples (radio, télévision, Internet, téléphonie) qui nous permettent plus facilement et plus rapidement de se construire une opinion, tandis que les sourds ont bien conscience d’être largement sous-informés et en constant décalage par rapport au reste de la société du fait de l’inaccessibilité de certains supports comme la télévision.

Et je conclurais que c’est pourquoi seule la présence d’interprètes F/LSF permettra à la communauté des sourds seigneurs d’avoir un accès in vivo à l’information télévisée, d’être ainsi des citoyens autonomes dans une société un peu plus égalitaire.
La proposition de la Ministre est légitime, son discours fut beau, espérons que les actions entreprises seront à la hauteur des espérances.

 

PS : en septembre 2011 j’avais rédigé une série de textes intitulés : « rendre l’information télévisée accessible aux sourds« .