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The LangFM podcast – Signs of the Times

Alexander Drechsel est interprète de conférence à la Commission européenne. Ses langues sont l’allemand (A), l’anglais (B), le français et le roumain (C).
Mais il n’est pas que cela.

Il adore les langues, les nouvelles technologies, les portables, les tablettes… Il aime communiquer, échanger avec ses collègues, il a un compte Twitter… Jusque là rien de très original.
Ce qui le distingue est qu’il est le créateur et l’animateur d’un Podcast, LangFM. Il vous fait voyager et rencontrer des personnes du monde des langues : interprètes, traducteurs, professeurs de langue et bien d’autres. Souvent en anglais, parfois en allemand et une fois en français ses témoins vous parlent de leur parcours, de leur métier, de leur voix, de leurs langues…

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Alexander, depuis plusieurs années est fasciné (ce sont ses mots) par l’interprétation en langue des signes, spécialité qui devient de plus en plus visible, à la télévision, lors des campagnes électorales… D’ailleurs les interprètes en langue des signes peuvent à présent adhérer à l’AIIC (Association internationale des interprètes de conférence) preuve qu’ils sont enfin reconnu à leur juste valeur. Même le Parlement européen s’y met comme il le raconte dans l’épisode 28 de son Podcast : #EUsigns of the time.

Il a décidé de créer une mini-série intitulée : « Signs of the Times ». Elle comporte 3 émissions.
– La première, en anglais, est une interview de Jemina Napier , Annelies Kusters et Graham Turner, sur l’histoire de la BSL (British Sign Language), la communauté sourde au Royaume-Uni, les interprètes (bien sur)…

– Signs of the times I: The story of the BSL (Scotland) Bill – 

– La seconde est en allemand (donc je n’ai rien compris) : Alexander discute avec Laura Schwengber, une interprète en langue des signes qui s’est notamment intéressée à l’interprétation de chansons, comme on a pu voir lors des dernières retransmissions de l’Eurovision (merci DeepL pour la traduction).

– Sign of the times II: Ausflug nach Gehörlosistan mit Laura Schwengber –

– enfin la troisième emission est en français. Je laisse Alexander vous la présenter : « Bonjour. Vous écoutez LangFM, le podcast sur les langues et les gens; ce que les gens font avec les langues et ce que les langues font avec les gens. Cette épisode est la troisième, et la dernière, dans une petite série à propos des langues des signes. J’ai commencé en Ecosse avec le professeur Jemina Napier et Graham Turner et l’histoire de la British Sign Language Scotland Act. Après, j’ai rencontré Laura Schwengber en Allemagne, où elle invite les sourds de vivre à la musique que, normalement, ils ne peuvent pas entendre. Et bien voilà, maintenant, on conclut la série en France avec Stéphane Barrère qui nous parle de son parcours personnel et de la vie d’hier et d’aujourd’hui des sourds en France. Bonne écoute. »

– Sign of the times III: Stéphan Barrère – 

Notons qu’Alexander a la bonne idée de proposer une retranscription écrite de ses entretiens, utile pour les sourds mais aussi pour ceux qui ne seraient à l’aise avec la langue de Shakespeare, de Goethe ou de Molière.

Bonne écoute !

© Stéphan – ( i ) LSF 

L’atelier de traduction : « joyeux Noël » en LSF

Pour traduire « Joyeux Noël » en langue des signes française rien de plus simple, comme vous le montre Diane, avatar né en 2008 de la volonté d’Orange de proposer des MMS en LSF prêts à être envoyés.

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[JOYEUX] : la main frotte la poitrine en un mouvement circulaire pour signifier la satisfaction, la joie ;
[NOEL] : la main semi-ouverte s’éloigne du menton en se refermant, symbolisant ainsi la longue barbe blanche du Père Noël.

Santa holding magical lights in hands

Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire le 25 décembre pour épater famille, amis et le Père Noël bien sûr !!!

Car le Père Noël s’exprime aussi en langue des signes. La preuve :

 

Et pour vous faire patienter, voici l’histoire du Père Noël raconté en LSF par l’un de ses lutins :

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© Stéphan – ( i ) LSF

 

Un gant n’est pas un interprète (et inversement)

Si j’avais le talent de Jean de Lafontaine, j’écrirais ce billet sous forme d’une fable qui raconterait l’histoire de ce gant, qui se prit pour un interprète pouvant traduire des langues des signes et qui à la fin se dégonfla comme une baudruche, les créateurs de ce gant « traducteur » s’apercevant (et les journalistes avec eux) qu’ils s’étaient fourrés encore une fois le doigt (ganté) dans l’oeil.

En effet, depuis quelques jours réapparait l’invention qui doit bouleverser le monde de l’interprétation en langue des signes et celui de la communication entre sourds et entendants : deux étudiants de l’université de Washington, Thomas Pryor et Navid Azodi, ont inventé SignAloud, des gants capables de traduire la langue des signes américaine (ASL) en un discours oral, dixit de nombreux sites d’informations grand public ou technologiques.
Chaque gant comporte des capteurs sur les doigts et les poignets qui enregistrent la position des mains et les mouvements qui correspondent aux mots et phrases dans la langue des signes américaine. Ces données sont envoyées en Bluetooth à un ordinateur qui les étudie à l’aide d’un algorithme séquentiel qui fonctionne à la manière d’un réseau neuronal (je dois admettre que j’ai fait un copié-collé de ce passage car je n’ai pas tout compris).
Si les données correspondent à un geste, le mot associé (ou la phrase) est énoncé en anglais via le haut-parleur.

Bien qu’à l’état de prototype, ces gants permettraient d’exprimer des messages simple en une langue ultra simple qui ressemble cependant plus à de « l’américain signé » (les signes sont plaqués sur la syntaxe la langue anglaise orale) qu’à l’ASL (American Sign Language).

Sans juger de la réelle qualité de ces gants, on peut néanmoins affirmer que la communication autour de ce projet a été très efficace car un peu partout dans le monde, des journalistes relayés par les réseaux sociaux, ont proclamé : « ils ont inventés des gants qui traduisent la langue des signes » (BFMTV par exemple).

Une remarque d’abord. Ce n’est pas le premier essai et cette « invention » n’a rien de révolutionnaire. En 2012 déjà, des ukrainiens avaient été récompensés pour une invention semblable comme le racontait le site SooCurious avec déjà la même accroche : « Des étudiants inventent des gants capable d’opaliser le langage des signes » (inutile de revenir sur l’appellation erronée de langage des signes à la place de langue des signes).

Ensuite on notera que ce sont toujours des étudiants ingénieurs (en informatique, en génie mécanique…) qui sont à l’origine de ces créations. Jamais dans leurs équipes il n’y a de linguistes, de sourds ou d’interprètes capables leur expliquer la structure, le fonctionnement bref le génie de ces langues gestuelles (qui ne sont pas des langages tel que le langage informatique mais bien des langues) et pourquoi nous somme loin d’une solution gantée permettant de « traduire » d’une langue des signes vers une langue orale.
Les journalistes non plus ne sont pas très curieux : jamais ils n’interrogent ces mêmes linguistes, sourds ou interprètes sur la validité de ces projets.

Personnellement, je doute que prochainement ce système pourra traduire fidèlement et agréablement un long discours.
En effet les langues des signes sont vivantes, complexes. Elles ne sont pas qu’une succession de signes. Elles possèdent leur propre syntaxe qui est intimement liée à la perception visuelle, puisque cette langue répond à une logique visuelle et non auditive. Ainsi la grammaire de la langue des signes française (LSF) n’est pas identique à celle du français (par exemple la place des mots dans la phrase n’est pas la même). Elle se construit comme un plan au cinéma. D’abord le temps (passé-présent-futur), ensuite le lieu (où cela se passe-t-il ? ), puis les acteurs (qui ? ) et enfin l’action (le verbe).

Les discours énoncés sont basés sur l’utilisation des signes donc des mains mais aussi du regard et de l’espace, des expressions du visage (il est admis que les langues des signes sont composées de 5 paramètres) : les configurations des mains, leurs emplacements, leurs orientations et leurs mouvements forment des signes équivalents à des mots disposés devant soi comme sur une scène de théâtre.
(Ces paramètres peuvent même monter jusqu’à 8 selon les dernières théories linguistiques en y incluant la labialisation, les postures… ).
Les emplacements de ces signes, ainsi que la direction du regard, permettent de visualiser les relations (actif ou passif), le temps (signes tournés vers l’arrière pour le passé, vers l’avant pour le futur). Le visage et le mouvement des épaules servent aussi à exprimer les nuances du discours, les émotions par exemple l’ironie, le doute, la colère…

Ces gants et leurs capteurs auront-ils la précision et la finesse nécessaires pour détecter tous ces paramètres ? Les algorithmes seront-ils assez élaborés pour déterminer avec exactitude l’intention du locuteur ? Aujourd’hui non, demain pas sur, un jour… sans doute.
Au mieux, actuellement, ce système pourrait traduire quelques signes simples en mots, quelques phrases basiques (sujet/verbe/complément).
De là à proclamer que des gants peuvent traduire la ou les langues des signes il y a un gouffre (car bien sur comme chaque pays ou région possède sa propre langue des signes, il faudra aussi multiplier les programmes informatiques et autres algorithmes pour prendre en compte cette diversité).

Enfin qui voudrait porter ces vilains gants pour se rendre chez son boulanger et acheter une baguette en langue des signes avec traduction par une voix synthétique (je ne parle même pas d’aller boire un dernier verre dans un bar). 
Sans être un adepte du « c’était mieux avant » et refuser toute idée de progrès on peut remarquer que la technique habituelle de la phrase écrite sur un bout de papier reste très efficace et que le mime ou le pointage conservent leur charme. Bref, les sourds n’ont pas attendu ces gants pour être autonomes et communiquer dans des situations simples de la vie de tous les jours. 

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Ces gants ne sont qu’un exemple parmi les nombreuse tentatives pour accéder à la compréhension de la langue des signes sans passer par l’effort de l’apprendre.
D’autres systèmes sont censés traduire comme celui utilisant Kinect (de Microsoft) avec une caméra de reconnaissance interactive branchée sur la console Xbox 360 et qui reconnait puis traduit les signes.
En enregistrant puis en normalisant les mouvements de la langue des signes, le système utilise un algorithme pour déterminer l’alignement du mouvement de la trajectoire 3D. Une fois que la machine a assimilé les données visuelles, elle essaye de les faire correspondre aux mots qu’elle connaît par ordre de pertinence via son dictionnaire interne. A l’inverse, le système peut aussi traduire les textes sous la forme d’avatars signeurs qui apparaissent à l’écran. Cette invention date de juillet 2013 mais depuis la parution de quelques articles, plus de nouvelle. 

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Face à ces nombreuses tentatives toujours infructueuses, il est bon cependant de rappeler qu’il existe aujourd’hui dans le monde un système de traduction qui fonctionne bien et qui s’appelle « interprète en langue des signes ». Malheureusement – en France notamment – cette profession peine à se développer, faute de budget nécessaire d’abord pour la formation de ces futurs professionnels puis pour leur assurer une rémunération décente.  

Il ne faudrait pas que ces beaux projets high-tech nous fassent oublier que le Ministère de la Justice paye péniblement 30€ brut l’heure d’interprétation dans un tribunal, que la CAF dans certaines régions refuse de faire appel à des interprètes F-LSF pour des raisons budgétaires, qu’en mairie, pour se marier et comprendre les articles du Code civil (ardus à traduire), c’est le sourd qui devra souvent payer de sa poche la prestation d’interprétation. Et ces gants n’y changeront rien.

Aussi, avant de se pâmer devant de futurs et hypothétiques progrès technologiques (qui adviendront sans doute dans quelques années ou décennies) intéressons-nous davantage (et vous aussi les journalistes) aux carences de la société française en matière d’accessibilité et n’oublions pas le présent en encourageant la communication entre sourds et entendants grâce à la présence d’interprètes diplômés et justement payés c’est à dire un peu plus que les 1300€ que touchera en moyenne un interprète F-LSF débutant après 5 années d’études. 

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© Stéphan – ( i ) LSF

Soutenez la création d’un centre relais téléphonique

Cette semaine, au Sénat, sera présenté le projet de loi « Pour une République Numérique » et son fameux article 43 (dont je vous ai déjà parlé) qui doit permettre la création d’un centre relais téléphonique généraliste.

Ce système, déjà opérant aux Etats-Unis depuis plus de 10 ans, consiste à intégrer dans la communication un dispositif intermédiaire assurant la transcription ou la traduction, depuis la langue parlée vers la langue écrite ou la langue des signes, et vice-versa.
Dans le cas de la langue des signes, l’usager sourd contacte le centre relais téléphonique via une webcam. Un interprète diplômé réceptionne son appel en LSF et le traduit en français oral à la personne entendante que le sourd voulait joindre (et inversement).
Ainsi sourds et entendants peuvent facilement communiquer par téléphone via des interprètes F-LSF.

Mettre en place ce système semble une évidence. Pourtant nombreuses sont les réticences pour des raisons financières et autres intérêts privés.

L’AFILS ainsi que de nombreuses associations – FNSF, UNISDA, MDF, AFIDEO, ANPEDA, ANPSA, FNAF, Aditus – ont, par leur action, permis que l’article 43 soit modifié en prenant en compte leurs préconisations.

Il faut à présent encourager les sénateurs puis les députés à voter cet article tel qu’il est rédigé aujourd’hui.

Pour cela je vous encourage, pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait,à signer la pétition que nous avons mis en ligne :

Pétition pour que les personnes sourdes ou
handicapées de la communication puissent téléphoner 

En bonus une vidéo, réalisée par l’agence Aditus et très joliment interprétée en LSF par ma collègue Alexandra, dans laquelle je vous explique succinctement pourquoi l’AFILS soutient l’article 43 et la création d’un centre relais téléphonique universel, généraliste et de qualité.

Quel diplôme pour devenir interprète F-LSF ?

C’est la question qui revient le plus souvent dans les commentaires que je reçois : comment fait-on pour devenir interprète en langue des signes, quel diplôme faut-il obtenir pour être interprète F-LSF ?

La réponse est simple : si vous voulez exercer ce métier – qui compte environ 450 professionnels – vous devrez suivre un cursus universitaire (équivalent à un bac + 5) qui, a l’issue d’un examen réussi, vous délivrera un diplôme (Master 2) reconnu par l’AFILS.

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En effet, avoir un bon niveau en langue des signes est une condition nécessaire mais pas suffisante pour devenir interprète.
Par exemple, une personne entendante enfant de parents sourds signeurs a pour langue naturelle la LSF (on appelle ces personnes CODA pour Children of Deaf Adults). Mais sa seule filiation, son héritage linguistique ne lui permet pas de s’auto-proclamer interprète F-LSF sinon je serais moi-même interprète Français-Anglais (ma mère étant anglaise), un fils de plombier serait naturellement un as de la robinetterie, la fille d’un chirurgien émérite pourrait opérer sans avoir suivi des études de médecine et le fils du voisin qui est pilote de ligne serait embauché par Air France après avoir eu son baccalauréat (ou pas).

Comme pour chaque métier il faut faire l’effort d’apprendre la théorie (le code déontologique par exemple), la pratique (les stratégies d’interprétation) en plus de parfaire votre expression en LSF et en français (voire une 3ème langue).
De plus, de longues périodes de stages pratiques auprès d’interprètes diplômés vous permettront d’acquérir les bases de ce métier passionnant.
C’est la seule et unique voie pour embrasser cette profession, il n’y en a pas d’autres. Alors oubliez les pseudo formations d’interfaces ou de médiateurs qui ne mènent à rien, et surtout pas à un diplôme reconnu par l’Education Nationale.
Si vous êtes motivés pour devenir interprète F-LSF, tant mieux, relevez vos manches et rejoignez une des 5 formations universitaires décrites ci-dessous, consultez les sites internet de ces universités et n’hésitez pas à les contacter pour d’autres informations, nous entrons dans la période des pré-inscriptions. 

Généralement pour postuler à l’examen d’entrée, on vous demande en plus de solides compétences en français et LSF, de posséder une licence, quelque soit sa spécialité (sciences du langage, mathématiques, droit, histoire, biologie moléculaire…).

Bon courage !

carte formations

Université Paris 3 (ESIT) :
Centre Universitaire Dauphine (2ème étage)
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny 75016 PARIS
Tel : 01 44 05 42 14
Lien vers le site Internet

Université Vincennes Saint-Denis (Paris 8) : 
2 rue de la Liberté 93526 SAINT-DENIS
Bât A, salle 144
Tel : 01 49 40 64 18
Lien vers le site Internet

Université de Toulouse Le Mirail (CETIM) :
Bâtiment 31- bureau LA 16
5 allées Antonio Machado 31058 TOULOUSE Cedex 9
Tel : 05 61 50 37 63
Lien vers le site Internet

Université Charles de Gaulle (Lille 3) :
UMR STL–bâtiment B
B.P. 60149 59653 VILLENEUVE D’ASCQ CEDEX
Tel : 03 20 41 68 87 ou 03 20 41 69 36
Lien vers le site Internet

Université de Rouen : 
rue Lavoisier
76821 Mont-Saint-Aignan Cedex
Lien vers le site Internet

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D’autres informations sur le site Internet de l’AFILS, l’association française des interprètes et traducteurs en langue des signes
http://www.afils.fr/formations

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© Stéphan – ( i ) LSF

L’atelier de traduction : « bonne année » en LSF

Demain soir vous serez sous le gui à embrasser vos amis, votre famille, vos voisins, des inconnus… vous exclamant une coupe de champagne à la main « bonne année ! ».
Pour apporter une touche d’originalité à votre réveillon, pourquoi ne pas le dire en langue des signes française ?

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Pour cela, posez votre coupe de champagne et suivez pas à pas (ou plutôt main à main) cet atelier de traduction :

[BONNE] : la main configurée en « bec de canard » s’éloigne de la bouche.
C’est le même geste naturel que vous faites à table pour signifier que le plat vous plait

[ANNÉE] : les 2 mains sont configurées en « poing ». La main gauche (pour les droitiers, les gauchers inverseront) est fixe au niveau du buste et la main droite  effectue un tour autour d’elle (comme la terre fait une révolution autour du soleil en 365 jours), le mouvement commençant et finissant sur le sommet du poing gauche.

Et n’oubliez pas d’avoir une mine réjouie car c’est un moment de fête et de bonheur !!!

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Pour finir l’année en beauté, voici Bouboule le bonhomme de neige qui vous présente ses meilleurs voeux, en LSF bien sur :

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© Stéphan – ( i ) LSF

Attentats de Paris : l’info inaccessible

En France, environ 300000 personnes sourdes ou malentendantes ont comme langue maternelle (ou première) la langue des signes française (LSF). Cela correspond au nombre d’habitants de la ville de Toulouse (4ème ville française par sa taille), du département des Vosges ou encore de l’ensemble de la population de la région Corse.
Pour ces personnes, accéder au français oral est impossible. Il n’entendent pas (il est parfois bon de la rappeler) ils ne lisent pas forcément sur les lèvres, surtout quand l’orateur est à la télévision. Par ailleurs, imaginer qu’ils pourraient suivre des reportages télévisés uniquement en lisant des sous-titres qui défilent rapidement est illusoire. D’autant que ces sous-titres (quand il y en a) sont rédigés en direct et comportent de nombreuses fautes d’orthographe, de phrases non terminées, subissent un décalage de plus de 10 secondes avec les images…

Pour cette communauté de « sourds-signeurs », qui s’exprime, qui communique dans une autre langue, la langue des signes française (LSF), une fois encore, les dramatiques événements du 13 novembre, les témoignages des rescapés, les discours politiques, les analyses des experts, les commentaires des journalistes, les mises en garde… tout leur fut inaccessible donc difficilement compréhensible car l’info elle-même n’était pas traduite en LSF.

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J’écris une fois encore, car déjà en janvier 2015, aucune chaîne de télévision n’avait pris la peine de faire traduire en LSF leurs éditions spéciales ou leur JT de 20h.
Une fois encore, car comme en janvier 2015 mais aussi comme depuis des années, aucune communication importante du Président de la république n’est traduite en direct (sauf les voeux du 31 décembre). Aucune de ses déclarations la nuit des attentats et les jours suivants ne fut accessible.
Pareil pour celles du 1er ministre, du ministre de l’intérieur, de la justice ou du Procureur de la république dont les conférences de presse furent retransmises en direct sur les chaines d’info en continu. Il faudra attendre le discours de François Hollande au Congrès pour qu’enfin dans un ridicule médaillon en bas à droite des interprètes apparaissent (mais à mon avis illisibles car trop petits).
C’est pourquoi, une fois encore, il nous faut rappeler que pour cette communauté, seule la présence d’interprètes F-LSF leur permet d’avoir un accès in vivo à l’information télévisée, d’être ainsi des citoyens autonomes dans une société un peu plus égalitaire.
C’est un droit, pourtant, comme le déclare la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées qui stipule dans son article 21 : Les personnes handicapées ont le droit à la « liberté d’expression et d’opinion et d’accès à l’information » notamment en « reconnaissant et favorisant l’utilisation des langues des signes ».

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Pour ces sourds français, s’informer est un combat permanent. S’ils ne font pas preuve d’acharnement, ils passent immanquablement à côté de l’information. Nous, entendants, sommes inondés par un flot continu d’infos sonores provenant de médias multiples (radio, télévision, Internet, téléphonie) qui nous permettent plus facilement et plus rapidement de se construire une opinion, tandis que nos concitoyens sourds sont largement sous-informés et en constant décalage par rapport au reste de la société du fait de l’inaccessibilité de certains supports comme la télévision.
Imaginer-vous quelle peut-être l’angoisse de ces adultes, de ces enfants qui voient ces images de terreur, qui lisent les mots : guerre, état d’urgence, victimes, représailles, attentats… sans en comprendre le sens exact, sans avoir accès au contexte, aux explications ?

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Aux Etats-Unis les interventions des responsables politiques, des maires au Président sont traduites en ASL. Pareil en Australie. En Suède les interprètes à la télévision traduisent les chansons de l’Eurovision. En Belgique le journal télévisé de 18h est interprété chaque soir. Piètre consolation pour les sourds français qui peuvent éventuellement se connecter via internet sur cette chaîne pour glaner quelques informations compréhensibles (même si la langue des signes française et belge diffèrent légèrement).

En France rien. Peu ou pas de voix s’élèvent pour dénoncer cette situation. A-t-on entendu Ségolène Neuville, Secrétaire d’État en charge des personnes handicapées protester ? Sa collègue Fleur Pellerin Ministre de la Culture et de la Communication s’en est-elle émue ? Le CSA s’est-il insurgé de cette situation auprès des directeurs des chaînes de télévision ? Quid du Comité Interministériel du Handicap (CIH) ou du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ? Un silence assourdissant.

Heureusement, face à l’incurie des médias et des pouvoirs publics, des mains se dressent, des personnes, des associations, des initiatives privées apparaissent ici ou là pour rendre enfin accessible cette info, pour suppléer aux manquements de notre État.

C’est le service d’interprètes Tandem, qui, à l’initiative d’Aditevent, a traduit et mis en ligne la première déclaration de François Hollande.

C’est Noémie Churlet ou Claire Garguier, qui postent sur Facebook des vidéos en LSF pour tenter d’expliquer la situation.

C’est enfin et surtout les journalistes Laurène Loctin et Pauline Stroesser qui ont créé la page « Fusillade à Paris en direct LSF« .

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Depuis lundi 16 novembre, des journalistes, des interprètes F-LSF, des monteurs, etc, tous bénévoles, travaillent pour « transmettre l’actualité en langue des signes ». Une vingtaine de vidéos a déjà été publiée : les allocutions du président de la République sont traduites, les analyses faites dans les médias nationaux sont décryptées et délivrées directement en langue des signes. Une véritable rédaction s’est mise en place.

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Dans la vidéo ci-dessous, les deux initiatrices du projet expliquent que « suite aux événements tragiques de ce vendredi 13 novembre à Paris, face à l’absence de médias accessibles en langue des signes, nous avons pris le défi de créer cette page Facebook. »

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Enfin , c’est aussi à nous, entendants, non pas de parler à la place de ces citoyens sourds ou malentendants, mais de porter leur parole, leurs revendications vers les pouvoirs publics, vers les institutions (comme le CSA), vers le gouvernement, vers les responsables des chaînes de télévision pour qu’enfin ils soient entendus et qu’ils aient accès à cette information qu’aujourd’hui la France leur refuse.

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Mise à jour (22/11/2015)

Depuis la date de publication de cet article, d’autres voix se sont élevées.

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  • Marianne Dubois et Elisabeth Pochon, députées, ont adressé un courrier au Président du CSA :

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© Stéphan – ( i ) LSF

 

Thé ou café ? 

Un samedi par mois, à 10h00, traducteurs et interprètes d’Île-de-France ou d’ailleurs se retrouvent au Café du Pont neuf, pour un petit déjeuner/conférence.
Ce rendez-vous, organisé par le SFT (Syndicat National des Traducteurs Professionnel) est ouvert à tous, adhérents et non-adhérents.

Samedi 30 mai, le STF a invité l’AFILS (Association Française des Interprètes et Traducteurs en Langue des Signes) et les interprètes en langue des signes à venir présenter leur métier. Venez nous rencontrer !
Les échanges seront bien sur traduits en LSF et donc accessibles à tous.

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Voici le texte de l’invitation :

Les interprètes vous font signe ! 

Vous les avez sans doute déjà vus en bas à droite de votre écran de télévision. Ils montent sur scène à coté des orateurs, interviennent aussi bien en milieu médical que judiciaire, dans les administrations, dans des entreprises privées, lors d’événements familiaux ou de meetings politiques… Ce sont les interprètes en langue des signes, ou plus précisément : les interprètes d’une langue vocale vers une langue des signes (et inversement).
Quels sont les grands principes syntaxiques et grammaticaux de cette langue gestuelle ? Peut-elle tout exprimer, y compris les concepts les plus abstraits ? Quel rôle l’expression corporelle joue-t-elle dans la transmission des messages ? Comment se passe concrètement une prestation d’interprétation en LSF ? Quels sont les principaux clients de ce marché ? Existe-t-il une langue des signes universelle ?
Pour répondre à ces questions, et à bien d’autres encore, notre prochaine Matinale est heureuse d’accueillir Stéphan Barrère, Dina Makouke et Pascaline Michel tous trois interprètes et membres de l’AFILS, l’association française des interprètes et traducteurs en langue des signes.
Venez nombreux pour découvrir une langue et un métier pas comme les autres !

Notre rendez-vous aura lieu au : Café du Pont-Neuf, dans la salle à l’étage.
L’adresse : 14, quai du Louvre, Paris 1er, métro Pont-Neuf.
Nous vous attendons le 30 mai à partir de 9 h 30 et la séance débutera à 10 h 01.
Comme chaque fois, nous encaisserons nous-mêmes la consommation (un petit-déjeuner à 9,50 €) à votre arrivée. Si vous pouviez faire l’appoint, cela nous aiderait beaucoup.
Inscrivez-vous auprès de la delegation.idf-matinales@sft.fr d’ici le vendredi 29 mai à 12 h.
Nous pourrons mieux organiser la manifestation et vous remporterez peut-être notre livre du mois.

L’équipe des Matinales 
(Catherine, Chris, Clémence, Ilse, Jacqueline, Larry, Lidia, Maria et Nadia)

Plus d’infos sur leur site : http://www.sft.fr

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( i ) LSF , agence d’interprètes en langue des signes

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Avec mon collègue et ami Alexandre Bernard, nous avons créé ( i ) LSF , une agence d’interprètes en langue des signes française, réunissant des professionnels diplômés et expérimentés.

Nos langues de travail sont la langue des signes française (LSF) le français et l’anglais. Situés en région parisienne, nous nous déplaçons sur toute la France ainsi qu’à l’étranger.

Membres de l’AFILS, nous respectons les trois règles du Code déontologique : secret professionnel, fidélité aux messages, neutralité.

Si vous voulez nous, contacter une seule adresse, notre site internet : http://ilsf.fr 

( i ) LSF from Stéphan Barrère on Vimeo.

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© Stéphan – ( i ) LSF