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Quoi de neuf, Docteur ?

C’est sous ce titre que se déroulera les 9 et 10 septembre 2017 à Toulouse, un cycle de conférences organisé par l’Association française des interprètes et traducteurs en langue des signes (AFILS) et le Forum européen des interprètes en langue des signes (Efsli).

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Durant 2 jours, plus de 250 participants venant de toute l’Europe sont attendus à Toulouse : sourds, entendants, interprètes et traducteurs en langue des signes ou en langue vocale, linguistes, spécialistes de l’accessibilité, intermédiateurs, représentants de la communauté sourde, professionnels du monde médical, universitaires, etc.

L’objectif de ce colloque est d’offrir un lieu d’échanges à toutes les personnes œuvrant dans ce domaine, ou intéressées de près ou de loin par le sujet : « Interpréter le soin (médical, mental et autres domaines de santé) ».

En effet, l’accès aux soins pour les personnes sourdes communiquant en langue des signes est compliqué par la barrière linguistique.
De la prise de rendez-vous à la consultation médicale (généraliste ou spécialisée, psychiatrique, dentaire…) de la création du dossier administratif à la demande de remboursements (selon les différents systèmes nationaux de santé), de la lecture de l’ordonnance au séjour dans un centre de rééducation… la présence d’un interprète en langue des signes est souvent indispensable.

A travers le thème de l’interprétation en milieu médical, il s’agira de réfléchir et d’échanger  sur la place de ces professionnels au milieu des blouses blanches (faut-il qu’ils en portent une d’ailleurs ? ).
Les interprètes en langue des signes doivent-ils suivre une formation spécifique ?
Quel est le rôle de « Medisigns » ?
Existe-t-il des stratégies d’interprétations particulières ?
Quid de la terminologie médicale ?
Quel binôme forment-ils avec les professionnels sourds (intermédiateurs, interprètes…) ?
Comment gèrent-ils leur propre stress ?
Quel regard porte le patient sur les interprètes en langue des signes (et réciproquement) ?

Plus largement, comment d’autres champs de recherche (traductologie, linguistique, sociologie, ethnologie) envisagent-ils la présence des interprètes ?

D’autres thèmes pourront être abordés comme l’interprétation des formations pour les professionnels médico-sociaux sourds, comment les interprètes en langue des signes ont pu intégrer les dispositifs d’alerte lors d’épidémies (sida, grippe aviaire…) et lors de campagnes d’information menées par les pouvoirs publics.

Plus d’infos sur le programme et l’organisation de ces rencontres :
– en aimant la Page Facebook : https://www.facebook.com/efsli2017 
– en s’abonnant au fil Twitter : @efsli2017

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Les 1ers interprètes certifiés en Signes Internationaux

Auparavant on la nommait Langue des Signes Internationale (LSI).
Mais comme elle ne s’inscrit pas sur un territoire ou dans une culture, qu’elle n’est pas propre à une communauté de personnes sourdes et surtout pour éviter toute confusion et bien faire comprendre que la langue des signes n’est pas internationale on parle à présent de Signes Internationaux (SI).
Utilisés par les sourds du monde entier, ces SI sont distincts lexicalement de toutes les langues des signes spécifiques, car ils intègrent des éléments provenant d’une variété de différentes langues des signes.

On pourrait donc comparer ces Signes Internationaux à la Lingua Franca , une sorte de pidgin qui reprend des signes des langues des signes nationales (essentiellement américaine, française et italienne) avec une structure et une grammaire classique à ces langues (emplacements, classificateurs, prise de rôle, iconicité…).

Ces Signes Internationaux sont utilisés principalement lors de conférences internationales (où il serait difficile d’aligner sur scène des interprètes dans toutes les langues des signes requises), aux rassemblements tels que les  Jeux Olympiques des Sourds (Deaflympics) ou pour communiquer pendant les voyages dans un pays étranger.

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Après ce rapide exposé sur les Signes Internationaux, venons-en à notre sujet : quid de l’interprétation d’une langue orale vers les SI ou d’une langue des signes « nationale » vers les Signes Internationaux (et réciproquement) ?

Jusqu’à présent, c’était des interprètes – en langue des signes – maitrisant en deuxième ou troisième langue des signes les SI qui assuraient cette fonction. Ils possédaient donc une bonne connaissance des pratiques professionelles et déontologiques se rapportant à notre métier mais ils n’avaient jamais été évalués sur leurs compétences linguistiques en Signes Internationaux et sur leurs connaissances des institutions dans lesquelles ils seraient appelés à travailler.
L’absence d’un cadre professionnel normé était d’autant plus regrettable que cette spécialisation est notamment ouverte aux « Deaf Interpreters » – interprètes sourds (hé oui ça existe !) – qui traduisent de et vers différentes langues des signes grâce à des interprètes-pivot (mais c’est une autre histoire, nous y reviendrons dans un autre billet).

Cette absence de normes ou critères vient d’être comblée.
En effet, la Fédération Mondiale des Sourds (WFD) en partenariat avec l’Association Mondiale des Interprètes en Langue des Signes (WASLI) a récemment créé une certification pour les interprètes en Signes Internationaux. Une première promotion a vu le jour le mois dernier : vingt interprètes professionnels ont obtenu le statut officiel de « WFD-WASLI Accredited IS Interpreter » après avoir été évalués par 6 experts selon des critères pré-définis par les deux associations.

Comme il est indiqué dans le communiqué annonçant les noms des premiers lauréats, cette nouvelle certification vise à établir, maintenir et promouvoir des normes de qualité d’interprétation de et vers les SI.
Le document reprenant les objectifs de cette certification, les critères exigés, etc, est en ligne à cette adresse : « WFD-WASLI International Sign Interpreter Récognition Interim Policy and Guidelines« .

Cette accréditation (ou certificat) valide le professionnalisme, les compétences et connaissances de ces interprètes. Clause interessante, ce certificat ne sera valable que 5 ans pour encourager les interprètes à prolonger leur formation, à s’auto-évaluer, à prendre en compte les feed-backs des usagers sourds, à se corriger…

Ces interprètes auront pour mission de traduire les discours et autres débats dans les forums internationaux où l’usage des Signes Internationaux est habituel : Deaflympics, conférences des Nations Unies et notamment les sessions du Comité de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) à New York et à Genève, Congrès international sur l’éducation des Sourds (ICED), réunions de l’Union européenne des sourds (EUD), sessions du Parlement européen…

Ainsi les représentants sourds dans ces différentes instances internationales auront la certitude d’avoir en face d’eux des interprètes qualifiés et compétents. L’établissement d’un annuaire facilitera aussi leur recrutement pour telle ou telle manifestation internationale a souligné Colin Allen, le Président de la WFD.
« Ce processus est un exemple exceptionnel d’un travail conjoint entre la WFD et WASLI. Il a permis de mettre en avant l’ensemble des compétences nécessaires pour obtenir cette certification en Signes Internationaux. Cela donne aussi un cadre, un modèle pour ceux qui aspirent à devenir interprète dans cette spécialité » a rappelé Debra Russell, présidente de WASLI.

Vous pouvez consulter la liste des vingt premiers interprètes en SI certifiés ici : WFD-WASLI Accredited IS Interpreter. Un nouvel appel à candidature aura lieu début 2016.  

Vous noterez qu’aucun français ne fait partie de cette première vague et c’est bien dommage. En revanche, logiquement les interprètes des pays anglo-saxons et du nord de l’Europe sont sur-représentés, la langue orale associée aux SI étant l’anglais.
Espérons cependant que cela nous motivera (moi par exemple) pour plonger dans ces Signes Internationaux d’autant que la France sera prochainement l’hôte de manifestions internationales où les SI seront largement présents : Forum Européen des Interprètes en Langue des Signes (EFSLI) en septembre 2017, Assemblée générale de l’Association Mondiale des Interprètes en Langue des Signes (WASLI) suivi du Congrès Mondial des Sourds à Paris en juillet 2019.

Pour conclure et vous permettre de vous entrainer, une vidéo en Signes Internationaux de Colin Allen, Président de la WFD faisant un bilan pour son association de l’année 2015 et présentant les perspectives pour 2016 (sur le site de Vimeo vous avez en plus la traduction de son discours en anglais écrit).

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© Stéphan – ( i ) LSF 

An interview with the new EFSLI President

efsli_twitterL’EFSLI (European Forum of Sign Language Interpreters) est l’organisation européenne représentant les intérêts des interprètes en langue des signes. C’est un lieu d’échanges où sont partagées les bonnes pratiques professionnelles, une instance qui oeuvre à une meilleure reconnaissance du métier d’interprète en langue des signes et qui organise des sessions de formations spécialisées pour ses membres.
En ce mois de Mai où nous allons bientôt voter pour renouveler le parlement européen, je vous propose une interview (en anglais) par Josefina Kalousova – rédactrice en chef d’EFSLI Newsletter – de son Président Peter Llewellyn-Jones récemment élu à ce poste.


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Why/how did you become a sign language interpreter?

I originally trained as a social worker with Deaf people or, as it was called in those days, a ‘Welfare Officer for the Deaf’. The ‘Deaf Welfare Examination Board’ was established in 1928 and its Diploma was still recognised as a social work qualification in the UK until the early 1970s. Looking back, what was extraordinary was that to pass the Diploma, as well as passing the social work elements, you also had to pass an interpreting assessment. This means that although the Register of Interpreters in the UK wasn’t established until the early 1980s, there had been a formal sign language interpreting qualification since the late 1920s.

In those days it wasn’t a full-time college course. Instead we worked under supervision in our local Deaf associations for three years; going to a polytechnic college in London every few months for a one-week residential block of theoretical lectures and seminars. There were no formal sign language classes in those days so, as I didn’t know sign language (I was one of only two students during my time who didn’t have Deaf parents) I had to attend all the Deaf clubs in the area which meant I was taking part in Deaf community activities every day of the week.

By the end of my training I had realised that I liked interpreting far more than the social work part of the job so I started to specialise in interpreting for meetings, conferences, short courses; in fact, anywhere interpreters were needed. As soon as I qualified I went to work as a ‘national officer’ for the British Deaf Association and I was then interpreting for events and courses all over the country.

What do you value most about the profession?

Looking back, I couldn’t have chosen a more satisfying career. On the one hand I’ve had the opportunity to meet and work with people from all walks of life and, on the other, I quickly realized that interpreting is far more complex than simply being able to use two languages. From 1979 to 1981 I was fortunate enough to spend three years at Bristol University researching interpreting cognitive processes and, although I’ve been involved with researching and thinking about a range of difference facets since then, that original interest had never waned. That is one of the reasons I am so pleased the Belgian Association of Sign Language Interpreters has chosen ‘Mind Tricks’ as the topic for the 2014 EFSLI conference.
Interpreting is always a source of fascination, whether because of the range of settings or the complexity of the processes.

What are your duties and responsibilities as EFSLI president?

As President I am ultimately responsible for the governance of the organisation; that is ensuring that we work within the constitution and meet the legal requirements of a formally registered, democratic, non-profit international association. I also have to ensure that any activity or campaign we embark on is within the spirit of the organisation, i.e. that it meets the aims of furthering the interests of its members and contributes in a positive and constructive way to the lives of the people who use interpreting services, both from the Deaf and hearing communities.
On a day-to-day level I’m responsible for the ‘international department’ of EFSLI, which entails developing and strengthening its working relationships with other European organisations that share our goals or complement our work, e.g. the EUD and EULITA. Most recently I have been representing signed language interpreters at the first meetings of the new European Public Service Interpreters and Translators Network (which is due to become a formally constituted European organisation at a meeting in Alcala, Spain, later in March) and holding discussions with Deb Russell, the President of WASLI, about formalizing a ‘Memorandum of Understanding’ with WASLI (see the most recent ‘EFSLI in Brief’).

I also, of course, chair the EFSLI Board meetings. Although each board member has her or his own areas of responsibility, there is so much to do that we work, as much as possible, as a team.

What is the biggest challenge for you as EFSLI president?

The main challenge over the last five months has been learning how EFSLI works. It has so many procedures and hosts so many events that I have had to rely on the knowledge and advice of previous board members and a host of individuals who have been working with EFSLI over the years.

The other challenge has been finding the time to keep on top of the EFSLI work whilst giving enough time to my own work as an interpreter trainer in the UK. Luckily I run my own company so my time is flexible but it is still a challenge.

What is your vision for EFSLI for the future?

This is something that we, as a board, are only now beginning to think about. All of us have been busy getting up to speed and it has taken us this long to really understand the complexity of the organisation and the diversity of its activities. What is obvious is that EFSLI’s structure, procedures and resources will need to be strengthened if it is to continue to grow as an active and influential European organisation. I will be proposing that we embark on a consultation exercise, involving full members, existing committees and long-term individual supporters, to develop a realistic yet visionary five-year plan. Only by taking a step back and looking objectively at how EFSLI currently operates will able to see how we can gear ourselves up for the challenges of the future whilst retaining the spirit, openness, supportiveness and friendliness that makes EFSLI such a special organisation.

© EFSLI newsletter – Josefina Kalousova, Editor – spring edition – april 2014

Des langues des signes au Parlement européen

Tandis que l’Europe et sa monnaie, l’€uro, traversent quelques turbulences, il faut saluer les efforts constants du Parlement européen pour se rendre accessible non seulement à ses visiteurs mais aussi à certains de ses parlementaires s’exprimant en langue des signes, grâce, notamment à la présence d’interprètes et traducteurs.

Deux exemples pour illustrer ces démarches.

Depuis les élections européennes de 2009 Ádám Kósa, député sourd hongrois siège au Parlement européen. Comme le soulignait alors Carlotta Besozzi, la Directrice du Forum Européen des Personnes Handicapées (FEPH), « la langue des signes sera ainsi  d’avantage visible dans les couloirs du Parlement européen  durant les cinq années à venir. Le Parlement européen devra aussi clairement rendre ses sessions de travail accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes ».

C’est ainsi qu’on peut voir Ádám Kósa durant une session du Parlement européen, s’exprimant en langue des signes hongroise et traduit vers le hongrois :

Toujours avec la volonté d’élargir l’accessibilité de la société européenne aux personnes handicapées pour une meilleure intégration de chacun, la semaine dernière, ce même Parlement s’est penché sur le rapport concernant la « mobilité et l’intégration des personnes handicapées et la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées ». C’est (logiquement) l’eurodéputé hongrois Ádám Kósa qui le présenta. Ainsi par une résolution adoptée à une large majorité, les eurodéputés ont voulu rappeler que les mesures d’austérité mises en place par de nombreux gouvernements ne devaient pas déboucher sur des coupes dans les budgets des services aux personnes handicapées ou dans les projets d’insertion sociale. L’accent a été mis sur la reconnaissance de la langue des signes comme langue officielle des 27 états membres de l’UE. Et les collègues de ce député ont pu constater au sein de l’Assemblée strasbourgeoise la réalité de cette langue car  le rapporteur hongrois s’exprimait, bien sûr, en langue des signes en présence de deux interprètes qui traduisaient ses propos puis les questions orales durant le débat qui a suivi.

Si vous souhaitez « assister » à la session des débats européens autour de ce rapport, en présence des deux interprètes, cliquez sur l’image ci-dessous et choisissez votre langue de réception :


Une petite précision sur le circuit de traduction (apportée par un de mes collègues) : les interprètes en langue des signes hongroise sont devant et la femme blonde à droite traduit vers le hongrois. L’interprète qu’on entend en cabine de français traduit à partir du hongrois ou plus vraisemblablement à partir de la traduction anglaise.

Second exemple :
A Bruxelles, autre siège du Parlement européen, le Centre des visiteurs permet à tous de découvrir l’Institution qui les représente au plan supra-national.
Des écrans multimédias dynamiques et interactifs guident les visiteurs à travers l’histoire de l’intégration européenne et permettent de comprendre l’influence qu’elle a sur la vie quotidienne de chacun. Le centre accueille ses visiteurs dans les vingt-trois langues officielles de l’Union européenne plus en quatre langues des signes. En effet, pour les visiteurs sourds ou malentendants, les guides multimédias comportent des vidéos en langue des signes anglaise, française, allemande et néerlandaise. Il existe également un parcours d’une heure spécialement conçu pour ces visiteurs.

Ci-dessous, la vidéo dans les quatre langues des signes (ce qui est bien la preuve que chaque pays à une langue des signes qui lui est propre) présentant cette visite :