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Signes extérieurs : la Belgique en manque d’interprètes

Profitons de cet été pour voyager, visiter des pays, des régions, des villes et voir comment se porte ici ou là l’interprétation en langue des signes à travers des articles parus dans la presse papier ou internet.

Troisième escale : La Belgique où, en raison d’une pénurie d’interprètes en langue des signes belge francophone (LSBF) – il existe aussi une langue des signes belge flamande, en néerlandais : Vlaamse Gebarentaal (VGT) – de nombreux sourds ne peuvent bénéficier de la présence de ce professionnel diplômé pour leurs besoins quotidiens, privés ou professionnels.

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Le métier d’interprète en langue des signes est essentiel pour garantir l’indépendance de ceux qui sont atteints de surdité. Ces professionnels ont pour but de les accompagner dans leurs activités quotidiennes et professionnelles (comme une visite chez le médecin, le notaire, ou tout simplement commander une pizza). Mais la Fédération Wallonie-Bruxelles ne compte qu’une vingtaine d’interprètes (qui n’exercent pas tous de façon régulière). Un nombre largement insuffisant pour répondre à la demande de la part des sourds.

« Pour pouvoir bénéficier d’un interprète, les sourds s’adressent ou à l’Aviq (Wallonie) ou au Phare (Bruxelles), mais très souvent, les délais sont longs et les refus nombreux. Le plus surprenant, c’est qu’il ne s’agit pas tant d’un problème de financement, il y a juste un vrai manque de professionnels », explique Pascaline Brillant, interprète en langue des signes depuis 10 ans.

Face à cette situation, les sourds se débrouillent comme ils peuvent. « Au bout de plusieurs refus, ils baissent les bras et demandent à quelqu’un de leur entourage de les accompagner. Mais ce peut être dérangeant car ils perdent une partie de leur autonomie et n’ont parfois pas envie que leurs proches soient au courant de leurs problèmes médicaux par exemple, alors qu’un interprète est tenu au secret professionnel », poursuit Mme Brillant.

Pour faire face à cette pénurie, des alternatives se développent. Parmi elles, le Relais Signes, qui permet aux personnes sourdes de communiquer par téléphone. Le fonctionnement est simple : la conversation se fait via un ordinateur et une webcam. L’interprète fait alors la traduction de la langue des signes en direct vers l’interlocuteur à l’autre bout du fil. Mais là aussi, le personnel manque : « Pour le moment, le service n’est disponible que le matin, et il est victime de son succès, il y donc des files d’attentes… », note Pascaline Brillant.

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Autre souci : il n’est, en théorie, pas possible de recruter des interprètes français pour venir exercer chez nous. La langue des signes n’est en effet pas universelle et de très nombreuses différences existent entre elles. Ceux formés à l’étranger doivent donc s’adapter avant de pouvoir travailler chez nous.

La formation belge, de son côté, n’en est encore qu’à ses débuts (voir ci-dessous). Les premiers professionnels francophones ne seront diplômés qu’en juin 2019. En attendant, les sourds devront continuer à se débrouiller par eux-mêmes, comme ils l’ont toujours fait jusqu’à présent.

Une vingtaine d’inscrits à la nouvelle formation

Depuis la rentrée 2015, la formation d’interprète en langue des signes est devenue universitaire. Organisée par l’Université Saint-Louis pour le bachelier et l’UCL pour le master, elle accueille 12 étudiants en deuxième année et 10 en première. Aucun élève n’a donc encore été diplômé. « Pour le moment, ceux qui font le travail d’interprète sont liés au monde de la surdité, mais ils n’ont, pour la plupart, pas reçu de formation particulière. Maintenant, ils peuvent bénéficier du même cursus que n’importe quel autre interprète », précise Anne-Sophie Lizin, coordinatrice de la cellule traduction-interpretation en langue des signes.

Elle ajoute : « Pour s’inscrire, il n’est pas nécessaire de connaître la langue des signes. Nous commençons à zéro. Autre point positif : compte tenu de la pénurie en Fédération Wallonie-Bruxelles, nos diplômés sont certains de trouver un travail directement à la fin de leurs études. » Un bel avantage quand on connaît la difficulté que peuvent avoir les jeunes diplômés à rentrer sur le marché de l’emploi.

DH.be – Langue des signes : grosse pénurie d’interprètes 

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© Stéphan – ( i ) LSF

Je voudrais devenir… interprète en langue des signes

Je dois l’admettre, j’ai un peu délaissé mon blog ces dernières semaines, accaparé par mon boulot, la participation au Conseil d’administration de l’AFILS et tant d’autres raisons.

Heureusement, des collègues travaillent pour moi et me simplifient la tâche d’alimenter régulièrement en billets originaux et intéressants Des Signes et des Mots.

C’est le cas de Lieve, interprète en langue des signes non pas française mais flamande.
Dans le cadre de sa série « Je voudrais devenir… » Arte lui a consacré un reportage de 10mn que voici : 

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Amusant de relever les points communs avec les interprètes en langue des signes qui travaillent en France : le temps passer dans les transports, comment les nouveaux signes apparaissent, l’importance du secret professionnel…

Quelques différences aussi : nous ne traduirions jamais un journal télévisé de 45mn tout seul. Nous serions deux ou trois interprètes travaillant en relais.
Et je n’ai jamais vu un collègue portant ainsi ses bretelles.

Ce qui est universel dans ce métier comme le souligne Lieve à la fin, c’est la joie que nous avons à rencontrer chaque jour de nouvelles personnes, à apprendre tant de choses intéressante et notre sale habitude à toujours parler avec les mains !

Coïncidence : quelques jours avant la diffusion de ce reportage, j’ai eu la chance de travailler avec Lieve lors d’une conférence où étaient présents des sourds français et des sourds belges-flamands.
Elle est comme dans ce reportage : souriante, inépuisable, sympa et terriblement efficace.

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© Stéphan – ( i ) LSF

Maisons closes cherchent interprètes en langue des signes

Les problématiques liées à l’accessibilité se nichent parfois dans des endroits inattendus.

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Nous sommes à Poiskaï, en Belgique. Un pays qui, officiellement, condamne le racolage et le proxénétisme, mais tolère les maisons closes. Il existe même des taxes spécifiques pour ces établissements et des arrêtés municipaux précisant l’obligation de changer les draps à chaque client.

Dans la cuisine où les filles en peignoir fument et regardent la télé, les portables n’arrêtent pas de sonner. Ouvert depuis seulement quelques mois, cette villa, qui compte huit chambres à thèmes (jacuzzi, donjon, gang-bang, Dracula, sirènes du Pacifique…), ne désemplit pas.

Rien que de très banal. Sauf que depuis le 1er avril, un décret oblige les propriétaires de ces instituts à les rendre accessibles à toute personne handicapée, sourds compris.

C’est le journal « Le Temps de Bruxelles » qui nous révèle cette surprenante information : « dorénavant, les maisons closes devront être accessibles à toutes les personnes en situation de handicap. Des rampes d’accès ont été installées à la va-vite pour les fauteuils roulants, les tarifs des prestations sexuelles sont disponibles en braille et plus étonnant, des interprètes en langue des signes seront mis à la disposition des clients sourds. »

Comme le reconnaît Gérard Saumon, le patron du club « Les Vagues de Plaisir », « jusqu’à présent nos clients malentendants avaient des difficultés à expliquer leurs désirs, leurs fantasmes à mes filles. Ils devaient généralement se contenter d’une fellation et de la position du missionnaire. Pendant l’acte sexuel on peut difficilement lire sur les lèvres, la communication est limitée, il y a de nombreux malentendus, on ne comprend pas ce qu’ils veulent, c’est frustrant pour tout le monde. Il n’y avait aucun préliminaire, pas de contact autre que purement sexuel. Dorénavant un interprète diplômé sera installé dans la chambre afin de permettre aux deux amants d’échanger, de se parler, de se comprendre. » 

Placé sur une estrade au pied du lit et grâce à une veilleuse allumée en permanence, mon ou ma collègue pourra traduire les signes du client expliquant ses fantasmes, ses envies, ses manies sexuelles, et inversement, il interprètera en langue des signes les remarques, les questions de la prostituée voir les ordres si le couple se trouve dans la chambre sado-maso.

Aux critiques qui ne tarderont pas à fleurir, on pourra rétorquer qu’on parle toujours d’accessibilité pour les grands événements, les interviews présidentielles, les journaux télévisés mais jamais pour les plaisirs privés. Or pourquoi le plaisir, la jouissance ne devrait pas être accessible au plus grand nombre ?

Seule inconnue : les interprètes langue des signes devront-ils également traduire les cris « oh ! ah ! hum ! » que pourraient pousser les filles pour encourager le client sourd et indiquer l’intensité de leur plaisir ?

Signes extérieurs : en Belgique

Profitons de cet été pour visiter d’autres pays et voir comment se porte ici ou là l’interprétation en langue des signes à travers des articles parus dans la presse papier ou internet.

Dernière escale, avant de revenir en France, chez nos voisins belges où 53 hôpitaux et 20 centres médicaux offriront d’ici à la fin du mois de septembre un service d’interprète en langue des signes pour les patients sourds ou malentendants comme nous l’explique l’avenir.net :

Un service d’interprètes pour les patients sourds ou malentendants dans les hôpitaux

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S’appuyant sur un site internet et sur la technologie de la vidéoconférence, ce dernier mettra par exemple en relation un patient, un membre du corps médical et un interprète localisé au sein de l’UZ Gand ou du CHU de Charleroi.

Laurette Onkelinx, la ministre fédérale de la Santé publique a présenté mardi lors d’une conférence de presse, organisée à Charleroi, les contours du projet. Initié en 2012 grâce notamment à l’engagement de deux interprètes au sein des services de médiations interculturelles de l’UZ Gand et du CHU de Charleroi, il s’adressait aux patients fréquentant 18 hôpitaux et 16 centres médicaux. Dans sa nouvelle mouture, il concernera davantage d’établissements, tous volontaires.

La possibilité de bénéficier gratuitement des services d’un interprète existe pour les personnes sourdes ou malentendantes. Elle est cependant limitée à quelques heures, a expliqué Laurette Onkelinx. En outre, selon elle, l’offre d’interprètes en langues des signes est relativement réduite.

Dans le cadre du projet, les patients pourront solliciter les services d’un interprète pour une consultation ou pour la prise de rendez-vous qui la précède. Ils pourront également en faire la demande s’ils se présentent aux urgences durant les heures de prestation des deux interprètes.

En Belgique, quelque 10.000 personnes utilisent la langue des signes.

© l’avenir.net : http://www.lavenir.net/

Témoignage d’une interprète belge en LS

Les citoyens belges ne sont pas uniquement soucieux de trouver rapidement un 1er ministre.
L’absence de formations pour devenir interprète en langue des signes entraînant une probable pénurie de ces professionnels diplômés les préoccupe tout autant comme je vous l’expliquais dans un billet hier.

Ainsi, aujourd’hui, le journal belge L’Avenir propose une interview de Christiane Broekman interprète en langue des signes depuis 25 ans:

Christiane Broekman, vous êtes interprète officiel depuis près de 25 ans. Pouvez-vous préciser la différence entre langue des signes et langage des signes ?
La langue des signes est une langue qui a été reconnue par la Communauté française. Le terme langage des signes est donc péjoratif à l’heure actuelle. Il y a une croyance erronée qui dit que la langue des signes ne serait pas accessible à tous et ne serait utile que pour les personnes sourdes elles-mêmes et entre elles.

Justement, l’apprentissage de la langue des signes est-il accessible à tout le monde ?
Oui, bien sûr. À tout le monde. Mais il faut avoir la volonté de vouloir l’apprendre, malgré les difficultés. Comme pour n’importe quelle langue.

Quelles sont-elles, vous qui avez choisi d’apprendre cette langue ?
En ce qui me concerne, le plus difficile a été de me détacher du français. Il faut vraiment laisser tomber son esprit de personne entendante, et véritablement se laisser entraîner dans le monde des malentendants. D’autant qu’il s’agit d’un apprentissage qui prend du temps. Car ce n’est pas une langue qui s’écrit. Donc il faut beaucoup la pratiquer avant de pouvoir la maîtriser totalement. Et cela ne peut se faire qu’en côtoyant le monde des sourds et malentendants. Aussi, la langue des signes est une langue vivante, elle évolue au fil du temps, avec de nouveaux mots qui apparaissent, comme internet, etc.

Existe-t-il, à l’heure actuelle, un enseignement pour apprendre cette langue ?
Non, cela ne se fait qu’à partir de cours en promotion sociale, en soirée et sur une durée de cinq ans.

N’est-ce qu’une impression ou la langue des signes est de plus en plus implantée dans notre société ?
C’est vrai qu’on en parle de plus en plus. Beaucoup soutiennent vouloir apprendre cette langue. Mais il y a encore un pas entre l’envie d’apprendre et apprendre réellement. C’est aussi devenu un petit phénomène de mode. Nous sommes de plus en plus sollicités pour les concerts, les réunions, le théâtre, les congrès politiques, etc. Et dans certains cas, c’est uniquement pour se donner une bonne image. Mis à part cela, on sent tout de même que les choses évoluent positivement.

Gil BIDOUL – L’Avenir.net

Vers une pénurie d’interprètes en LS en Belgique

Comme le soulignait Shimrod dans un récent commentaire, le manque d’interprètes en langue des signes française (LSF) en France est manifeste et favorise des solutions bancales comme la multiplication d’interfaces et autres personnes revendiquant à tort le titre d’interprètes.
Ainsi que je le soulignais dans ma réponse, il y a actuellement en France environ 280 interprètes diplômés qui exercent leur profession (c’est autant que pour la seule ville de New-York) et on considère que 1000 interprètes diplômés seraient un minimum. Autre comparaison : en Suède ils sont 3000 pour une population de 9 millions d’habitants.
Il faut donc encourager ceux qui souhaitent se former à ce métier, faciliter la formation continue pour justement permettre à des personnes ayant déjà une bonne connaissance de la LSF de devenir interprètes diplômés.

Ce manque d’interprètes en langue des signes n’est pas propre à la France ainsi que le révèle un article du journal belge L’Avenir. Pire les sourds de Belgique doivent parfois faire venir de France des interprètes en LSF pour traduire des manifestations ce qui peut poser quelques problèmes de compréhension car la langue des signes de Belgique francophone (LSFB) diffère légèrement de la langue des signes française.
Voici cet article qui est paru le 23 Septembre 2011 :

« Depuis 5 ou 6 ans, plus un seul interprète en langue des signes n’a été diplômé. Pour une bonne raison : il n’y a plus de formation. La situation devient critique.
Ce samedi 24 septembre marque la journée mondiale des sourds. Le chef de groupe cdH au Parlement de la Communauté française, Marc Elsen en profite pour rappeler qu’il y a urgence au moins sur un point : la création d’une formation d’interprètes en langue des signes.
Il n’existe plus aucune formation qualifiante dans ce secteur depuis quelques années. «Il est urgent de former des interprètes de haut niveau pour l’aide administrative, judiciaire, hospitalière et autres situations qui nécessitent un vocabulaire spécialisé», avance Marc Elsen.
«On cherche. Et on n’en trouve pas. Forcément…».
À l’association belge des interprètes, Isabelle Hulin confirme à 100 %. «On se bat pour qu’une formation revoie le jour, on multiplie les démarches. Il y a une piste en ce moment : une formation de promotion sociale, en collaboration avec l’université de Lille», explique-t-elle.
«On espérait même que ce serait prêt pour la rentrée 2011, mais c’est raté. En 2012, sans doute. Mais les besoins sont là, urgents. On cherche des interprètes en langue des signes maintenant. Et on n’en trouve pas !Forcément, puisque plus aucun diplôme n’’est délivré» insiste Isabelle Hulin.
Et, par ailleurs, il n’y a toujours pas de formation de niveau supérieur, en cinq ans. « Les deux dernières engagées étaient des Françaises. On tourne en rond ».
Marc Elsen a interrogé à ce sujet le ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt. Le ministre est partant pour lancer un master. Mais c’est très compliqué et les réseaux ne sont pas prêts à collaborer. «Aujourd’hui, le projet semble au point mort», en conclut Marc Elsen.
«Les personnes sourdes ont des droits. Et un de leurs droits essentiels est de pouvoir bénéficier d’un interprète. Elles en ont besoin dans tous les domaines. Se marier, baptiser un enfant, acheter une maison…», rappelle Isabelle Hulin. «Et là, on nie ces droits. Ce sont pourtant des citoyens à part entière !».

Source : http://www.lavenir.net

Notons que ce problème est ancien car l’année dernière, La Libre Belgique évoquait déjà cette pénurie. Vous trouverez l’article en suivant ce lien.

J’en profite pour saluer Maurice Hayard, Directeur de l’Agence de sensibilisation Surdimobil située à Loncin en Belgique et qui œuvre sans cesse pour la reconnaissance de la communauté sourde, de sa culture, de la langue des signes et qui est un ardent défenseur des droits de la personne handicapée et de l’égalité des chances pour tous.
C’est lui qui m’a alerté sur les problèmes rencontrés au quotidien par les sourds belges qui s’inquiètent de bientôt ne plus pouvoir trouver d’interprètes en langue des signes de Belgique francophone diplômés.
Il me signale d’ailleurs que si j’ai « des amis interprètes en LSF qui cherchent des emplois, il y a 2 places vacantes ».