Étiquette : Accès-Cible

Les interprètes en langue des signes s’invitent dans la campagne présidentielle

Ce blog étant en slow-motion jusqu’en septembre 2017, voici pour patienter un article publié sur le site de la STF (société française des traducteurs) : https://www.sft.fr/fo/public/menu/archives_news/news_fiche&newsId=2040#.WS2DicbpNE4 

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S’informer des programmes électoraux à la télé ou assister aux réunions politiques des différents candidats, c’est très bien mais comment fait-on si l’on est sourd ou malentendant ? En France, alors qu’environ 300 000 personnes sont sourdes de naissance* et que bien davantage sont malentendantes, leurs besoins sont encore trop souvent ignorés. Par exemple, la seule obligation légale définie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans le cadre de la campagne électorale est que les clips vidéos des candidats soient accessibles en audiodescription pour les aveugles, traduits en langue des signes française (LSF) et sous-titrés. En 2012, à l’exception des interventions des deux principaux candidats, rien n’avait été mis en place à l’intention des personnes sourdes ou malentendantes lors de la campagne présidentielle. Une situation que les interprètes de l’AFILS, réunis à l’occasion de leur assemblée générale en janvier dernier, ont souhaité dénoncer et surtout corriger en 2017. Les courriers envoyés aux candidats sur le sujet sont restés lettre morte. Aussi le collectif « Accès-Cible », qui rassemble sourds et interprètes, est‑il créé. Le concept est simple : faire le buzz pour attirer l’attention des candidats sur la nécessité de rendre leurs interventions publiques et leurs supports vidéos en ligne accessibles à tous, au nom du droit à l’égalité de l’information.

Plusieurs actions sont menées en parallèle : sur les réseaux sociaux et Twitter notamment, le collectif inonde les comptes des candidats de leurs commentaires et de leurs questions sur l’accessibilité des supports de communication pour les sourds. Dans les meetings, sourds et interprètes interviennent de concert sous forme de « happening », sans perturber le bon déroulement de l’évènement mais de façon suffisamment visible pour attirer l’attention. Ces méthodes particulièrement efficaces sont rapidement relayées sur Internet et dans la presse et Libération publie dès février une interview de Claire Bernardat, l’une des membres du collectif.

Sous l’effet direct de ces actions, la grande majorité des onze candidats jouent le jeu et engagent des interprètes en langue des signes pour leurs meetings, tout en recourant au sous-titrage ou à la vélotypie pour certains meetings et pour leurs vidéos publiées sur Internet. Stéphan Barrère, membre du conseil d’administration de l’AFILS et adhérent de la SFT, se réjouit des retombées : « le résultat est globalement très satisfaisant, on a pu constater une véritable prise de conscience sur cette campagne, que ce soit parmi les « grands » ou les « petits » candidats. Il reste à espérer que ces bonnes pratiques perdurent au-delà des grands rendez-vous électoraux, lors des moments importants pour notre démocratie, comme les discours du président de la République, par exemple. À cet égard, l’annonce du nouveau gouvernement a été entièrement traduite en langue des signes, ce qui est un signe positif. L’action doit également se poursuivre sur les contenus en ligne et on peut aussi imaginer que sur tous les canaux vidéos existants, l’un d’entre eux soit dédié à l’accessibilité pour les sourds et les malentendants. »

La présidentielle est passée mais les législatives auront lieu dans quelques semaines. Comment les candidats à la députation peuvent-ils poursuivre ces bonnes pratiques tout en respectant leurs contraintes budgétaires ? La mutualisation des moyens pourrait être une piste à explorer : réunir les candidats d’une même circonscription autour d’un débat, ou les représentants d’un même parti pour une présentation de leur programme, est un bon moyen de partager les frais d’accessibilité aux sourds et aux malentendants. Plusieurs solutions sont envisageables et certains candidats ont déjà pris les devants, mais une chose est sûre : le collectif est prêt à se remobiliser si nécessaire.

« Accès-Cible », pour une campagne électorale accessible aux sourds

En réponse aux trop nombreux manquements et autres cafouillages en matière d’accessibilité de ce début de campagne pour l’élection présidentielle, un collectif (en lien avec l’Association française des interprètes en langue des signes, AFILS) s’est constitué dans le but d’alerter les candidats, les partis politiques et plus généralement nous les citoyens, sourds et entendants.
L’idée est d’organiser une mobilisation des interprètes et traducteurs en LSF ainsi que de la communauté sourde autour d’actions ciblées afin de créer le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux et d’attirer l’attention des différents candidats à la présidence sur les enjeux de l’accessibilité.
Cette action a été ingénieusement baptisée : « Accès-Cible »

Si vous êtes intéressés par « Accès-Cible » vous pouvez
– aimer la page Facebook : https://www.facebook.com/acces_cible
– suivre le compte Twitter : @acces_cible  

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Et ça marche !
La preuve, ma collègue Claire Bernadat a déjà été interviewée par une journaliste de Libération : elle y explique le comment du pourquoi d’ « Accès-Cible ».

  • Pourquoi avoir lancé le mouvement Accès-cible ?

Tous les cinq ans, c’est le même constat. Les meetings et les réunions publiques des politiques ne sont que trop rarement traduits pour les sourds et malentendants. Sans ces outils leur permettant de se renseigner sur les programmes électoraux, ils ne peuvent pas correctement exercer leur droit de vote. Après avoir envoyé des courriers aux candidats, en vain, on a décidé de passer à l’action. Notre but est de leur faire prendre conscience de cette situation. Nous voulons que tous les meetings, toutes les réunions publiques mais aussi la communication diffusée sur Internet soient systématiquement accessibles. Les sourds ne doivent plus être considérés comme des citoyens de seconde zone.

  • La traduction des vœux de Jean-Luc Mélenchon a été faite par un amateur. Elle était incompréhensible. Qu’est-ce que cette séquence vous évoque ?

C’est un exemple parmi tant d’autres. Après cet épisode, plusieurs politiques nous ont contactés pour faire traduire leurs meetings. Malheureusement cette démarche paraît plus motivée par la crainte de faire la même bourde. Dernièrement j’ai traduit un meeting. C’était absurde car la traduction était retransmise sur les réseaux sociaux mais pas dans la salle où avait lieu le discours. On a l’impression de ne pas être pris au sérieux par les politiques. Pour justifier l’absence d’interprètes, l’argument qu’on nous ressort souvent c’est le coût. Mais pour un meeting, trois interprètes coûtent grand maximum 2 500 euros, c’est peu comparé au coût d’un hologramme (entre 50 000 et 100 000 euros selon Sébastien Mizermont, directeur de création d’Adrénaline Studio, cité par le Huffington Post). Aux Etats-Unis, la traduction des meetings est systématique.

  • Quelles mesures proposez-vous pour faciliter l’accès à l’information pour les sourds et les malentendants ?

L’accessibilité totale et systématique aux réunions publiques, aux meetings et aussi aux vidéos retransmises sur Internet. Nous considérons qu’une accessibilité complète comprend le sous-titrage (vidéo montée) ou la vélotypie (vidéo et événements en direct) mais aussi la présence d’interprètes professionnels et diplômés. Mais les sous-titres ne peuvent pas se substituer à une traduction. Il ne faut pas oublier que la langue maternelle des sourds est la langue des signes et non la langue française. La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées le dit clairement : la langue des signes est une langue à part entière. Nous espérons pouvoir rappeler aux futurs ou actuels décideurs leurs devoirs et obligations quant au droit à l’égalité face à l’accès à l’information, particulièrement lorsqu’il s’agit de citoyenneté.

Propos recueillis par : Héléna Berkaoui © Libération 

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© Stéphan – ( i ) LSF

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