Catégorie : Conditions de travail

Entre de bonnes mains

Les images étant souvent plus explicites que les mots (dixit Napoléon), des membres de l’AFILS (Association Française des Interprètes et Traducteurs en Langue des Signes) ont eu l’idée de lancer une série intitulée : EDBM ou « Entre De Bonnes Mains ».

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Sur un format court, 2-3mn, il s’agit de montrer différentes facettes de notre métier d’interprète en langue des signes, ce qu’il faut faire ou ne pas faire en sa présence, à quoi il peut servir ou ne pas servir, bref de changer la vision qu’on les un.e.s et les autres sur notre métier et sur la communauté sourde…

Chaque mois l’une des antennes régionales de notre association réalise un court métrage et le diffuse. 3 vidéos ont déjà été produites, je vous mets pour exemple celle des breton.e.s (antenne AFILS Breizh) qui est franchement drôle.

Pour en voir d’autres , c’est par ici : chaine Youtube de l’AFILS

Etre l’interprète de personnages publics par Cultures Connection

Récemment l’agence Cultures Connection qui est spécialisée en traduction et autres services linguistiques et web m’a contacté pour me proposer un partenariat et publier un article sur mon blog « des signes et des mots ». 

Flatté, j’ai accepté avec grand plaisir d’autant que Cultures Connection tient un blog trilingue que je lis régulièrement et dans lequel on trouve plus de 300 articles de contenu, touchant aux divers aspects de la traduction et à l’actualité de ce domaine. Voici le lien vers leur site que je ne peux que vous encourager à visiter :
http://culturesconnection.com/fr/blog-de-traduction/

L’article proposé présente les interprètes qui travaillent aux cotés des chefs d’Etat et autres personnages puissants de la planète.
C’est intéressant car il rappelle non seulement le rôle sensible que jouent les interprètes dans cette fonction mais aussi propose une réflexion sur la neutralité et les risques encourus par l’interprète à écorner son image en étant, parfois, assimilé à tort à la personne qui s’exprime.

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Quand l’interprétation devient personnelle

Dans le feu de l’action et au cœur de l’actualité, avant même qu’elle ne soit rendue publique, voilà le pain quotidien du métier de l’interprétation, dont une grande part du marché touche les relations et négociations géopolitiques dans le monde. Dans l’exercice de leur fonction, certains interprètes sont amenés à travailler pour – ou avec – des personnages publics, des hauts dignitaires, des chefs d’Etat, … En d’autres termes, des individus dont la réputation a un prix, avec une image à façonner ou à préserver, reconnus pour leurs opinions et leur éloquence. Inutile de dire que la transposition de leurs paroles dans une autre langue constitue un réel enjeu pour eux sur la scène internationale. Dans ce contexte, l’interprète joue un rôle de vecteur puisqu’il arrive que ses paroles figurent en gros titre des journaux locaux. Barack Obama, Vladimir Poutine, François Hollande ou encore Angela Merkel font tous appel aux services d’interprètes attitrés.

Les traducteurs et interprètes répondent parfois d’accusations d’incidents diplomatiques – il paraîtrait, par exemple, que le bombardement d’Hiroshima ait été partiellement déclenché par une imprécision de la traduction – parce que leurs erreurs peuvent mener à des situations rocambolesques. Lorsqu’une incompréhension ou un malentendu surgit entre deux ou plusieurs parties, il est facile d’en attribuer la responsabilité à l’interprète. Et lorsque celui-ci se trompe, c’est le personnage public qui en souffre, ses paroles peuvent envenimer les relations entre deux Etats, voire même mettre un terme aux négociations. Dès lors, pour éviter de « déclencher une troisième Guerre mondiale », certains chefs d’Etat et autres figures de proue choisissent la sécurité en embauchant systématiquement le même porte-parole.

Il peut s’agir de professionnels formés en interne, comme au Kremlin, ou de free-lances suivant une seule personne. Ils accompagnent leur client à tout moment et à tous types d’occasion quand la langue cible en question est impliquée, que ce soit à des rendez-vous d’affaires, en voyage, en conférence de presse, sur les plateaux télé ou autres circonstances et sont capables de travailler en simultanée, en consécutive et en liaison.

A priori, de cette façon, le personnage public s’assure une confiance aveugle en un messager spécialisé, qui maîtrise tous les sujets qui pourraient être abordés et est toujours préparé. Il représente un interlocuteur unique, fiable et responsable qui ne mettra pas en danger la réputation de son employeur. L’interprète ne devrait avoir aucun problème à comprendre les intentions et subtilités du message de l’orateur, qu’il connaît par cœur.

Pour l’interprète, bien que cette fonction soit une place de choix, elle comprend tout de même certaines difficultés, inhérentes à la profession de façon générale. Tout d’abord, un professionnel n’est pas obligé et ne devrait pas accepter une mission s’il n’adhère pas au message transmis par l’orateur, pour des questions d’éthique, de professionnalisme et d’amour de son métier. Soulignons, par exemple, le défi auquel ont fait face les interprètes d’un candidat lors de la course à la Maison Blanche.

Si le personnage public met sa réputation entre les mains de son interprète, l’image de ce dernier se voit également affectée par les missions qu’il accepte. Il faut admettre que le public associe parfois orateur et interprète sans discernement. Enfin, les hommes politiques sont connus pour jouer avec l’intonation, les hésitations, et la vitesse, entre autres, dans leurs discours et, dans le cas susmentionné, sur la vulgarité, les accusations et les insultes. Il convient, bien évidemment, de transmettre les mêmes intentions en restant toujours le plus fidèle possible.

Cet article est proposé par Gaëlle de Cultures Connection.

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© Stéphan – ( i ) LSF

Différents statuts juridiques pour exercer la profession d’interprète / traducteur en indépendant

L’automne arrive, les vignerons vendangent espérant produire un vin de qualité qui sera dans quelques années un grand cru. Cette saison marque aussi l’arrivée dans le monde merveilleux de l’interprétation en langue des signes des nouveaux diplômés, qui formeront, peut-être, une promotion, elle aussi, « grand cru ».

En attendant, à eux et aux plus anciens s’offre deux grandes familles de statuts professionnels pour travailler : le salariat et/ou l’indépendance. L’un ou l’autre mais aussi l’un et l’autre, nombre de mes collègues exerçant sous ces deux statuts (salarié le jour, indépendant le soir et le week-end par exemple).

Les salariés exerceront dans un service (SCOP, association…) en CDI, en CDD ou en tant qu’intermittents. Ils pourront également être embauchés dans un institut national de jeunes sourds (comme les INJS à Paris, Metz, Bordeaux, Chambéry…) dans un hôpital au sein d’un pôle régional d’accueil et de soins en langue des signes française ou dans toute structure voulant salarier un interprète F-LSF.

D’autres interprètes en langue des signes préfèreront travailler en indépendant (c’est mon cas).
Pour eux, le site d’une association de traducteurs, Aprotrad, a mis en ligne une synthèse des différents modes d’exercice en indépendant pour nous aider à nous y retrouver dans ce labyrinthe administratif.
J’en reproduis de larges extraits ci-dessous.

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Entreprise individuelle

Création :
Aucun apport de capital n’est nécessaire pour créer une entreprise individuelle. Le patrimoine privé et celui de l’entreprise ne font qu’un.
Le traducteur doit s’inscrire à l’URSSAF. L’inscription doit se faire dans les 8 jours suivant le début de l’activité ou dès le premier euro encaissé. L’URSSAF se charge ensuite de transmettre les coordonnées du nouvel inscrit à l’INSEE (qui attribue un numéro de SIREN et un numéro de SIRET) ainsi qu’aux caisses d’assurance maladie (RAM, par exemple) et d’assurance vieillesse (CIPAV) et au fisc (qui détermine le numéro de TVA intracommunautaire et envoie tous les formulaires relatifs à la TVA).
Il est conseillé de se faire connaître soi-même directement à son centre des impôts et de préciser le régime d’imposition choisi.

Régime fiscal :
Les interprète sont imposés dans la catégorie des BNC (bénéfices non commerciaux). Il n’y a pas d’imposition au niveau de l’entreprise. Nous sommes soumis uniquement à l’impôt sur le revenu. Cependant, avec le statut « entreprise individuelle » ou EI, deux régimes fiscaux sont possibles en fonction du montant de votre chiffre d’affaires :

1/ Le régime spécial BNC (micro-entreprise)

  • Pour bénéficier de ce régime, les recettes HT ne doivent pas dépasser 32 900 € par an (chiffre pour 2014, 2015, 2016).
  • Obligations comptables : il suffit de tenir la comptabilité des recettes et le registre des immobilisations.
  • TVA : régime en franchise de TVA (= le traducteur ne facture pas de TVA mais ne la récupère pas non plus sur ses charges ; il doit faire figurer la mention « TVA non applicable – article 293 B du CGI » sur ses factures et éventuellement sur ses conditions générales).
  • L’interprète / traducteur au régime déclaratif spécial dépose également une déclaration 2035, où il indique uniquement son chiffre d’affaires. Un abattement forfaitaire de 34 % est ensuite appliqué avant calcul de l’impôt.

2/ Le régime de la déclaration contrôlée en réel simplifié (c’est le statut sous lequel j’exerce. On le nomme parfois « profession libérale ») :

  • Obligations comptables : tenue d’un journal comptable des recettes et dépenses et d’un registre des immobilisations.
  • TVA : déclaration déclaration annuelle et versement d’acomptes trimestriels (taux de 20 %).
  • L’interprète / traducteur doit faire son bilan et déposer une déclaration 2035. L’impôt est calculé sur la base « recettes moins dépenses professionnelles » (le bénéfice) majorée de 25 % (sans majoration si le traducteur est membre d’une association de gestion agréée – AGA).
  • Ce régime s’applique au-delà de 32 900 € de recettes HT par an.

Auto-entrepreneur

Création :
il suffit de compléter en ligne et d’envoyer le formulaire de demande d’adhésion au régime de l’auto-entrepreneur, ou de se rapprocher de son centre URSSAF. Ce statut est pratique pour débuter son activité en indépendant car facile à mettre en place. Malheureusement on peut noter une utilisation abusive de ce statut, celui-ci étant choisi par des interprètes pour une activité principale, ce qui est contraire à l’esprit du dispositif. En effet, selon le Code du Travail, le statut d’Auto-Entrepreneur n’est possible que dans certaines situations :
– pour un salarié qui a un poste avec un contrat de travail ordinaire et qui souhaite avoir une activité en parallèle, différente de son activité principale ;
– pour un chômeur qui souhaite débuter une activité ;
– pour des activités inédites (ce qui n’est pas le cas de l’interprétation).

L’auto-entreprise doit relever du régime fiscal spécial BNC, et ses recettes ne doivent pas dépasser 32 900 € par an.

Régime fiscal :
L’entreprise est en franchise de TVA (pas de facturation ni de récupération de TVA).

L’auto-entrepreneur calcule lui-même (via le site internet de l’auto-entrepreneur) tous les trimestres ses cotisations sociales en appliquant un taux forfaitaire (23,3 %) aux recettes réalisées. Pour l’impôt sur le revenu, il peut opter pour le prélèvement libératoire (taux de cotisation cumulé de 25,5 %).

Protection sociale :
Le forfait social couvre les cotisations suivantes :

  • assurance maladie-maternité ;
  • assurance vieillesse (régime de base) ;
  • allocations familiales ;
  • CSG/CRDS ;
  • retraite complémentaire obligatoire ;
  • invalidité-décès.

L’auto-entrepreneur est affilié au Régime des indépendants (RSI). Il bénéficie des remboursements de soins médicaux mais ne peut pas prétendre aux indemnités journalières en cas de maladie.

Pour valider 4 trimestres de retraite par an, le chiffre d’affaires annuel doit atteindre un seuil minimum, qui est fixé à 11 552 € pour l’année 2014.

L’auto-entrepreneur cotise également pour la formation professionnelle des libéraux (0,20 % du chiffre d’affaires). En contrepartie, il peut bénéficier de la formation professionnelle et se faire rembourser les frais afférents (consulter le site du FIF-PL : http://www.fif-pl.fr/) comme ses homologues en entreprise individuelle.

Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)

Création :
L’EURL est comparable à la SARL, mais avec un seul associé (qui peut être une personne physique ou morale). Le capital est fixé librement, sans minimum requis. 20 % des apports en espèces doivent être versés au moment de la constitution, et le solde doit être libéré dans les 5 ans.

L’EURL doit disposer d’un local et avoir un nom unique (à faire vérifier auprès de l’INPI). Pour constituer une EURL, il faut rédiger ses statuts et les déposer auprès de l’administration et de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Une annonce légale doit également être publiée.

L’entreprise se fait immatriculer au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés). Elle reçoit également un numéro de SIRET.

Régime fiscal :
Si l’interprète ou le traducteur associé unique est également le gérant, il n’y a pas d’imposition au niveau de la société ; l’associé est imposé au titre de l’impôt sur le revenu. Il est toutefois possible d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Dans ce cas, le traducteur devra déclarer ses revenus comme « traitements et salaires ».

Obligations comptables :
Les obligations comptables d’une EURL sont plus lourdes que celles d’une entreprise individuelle. Les comptes (bilan et compte d’exploitation) doivent être déposés tous les ans au registre du commerce.

Protection sociale :
Si le traducteur est le gérant de son EURL, il relève du régime social des non-salariés (voir régime de l’entreprise individuelle).

Le traducteur peut toutefois choisir de désigner un tiers comme gérant. Il bénéficie alors d’un régime « assimilé salarié » (bénéfice du régime de sécurité sociale et de retraite des salariés, mais pas de l’assurance chômage ni des dispositions du droit du travail).

Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

Il s’agit d’un statut juridique qui présente de nombreuses similitudes avec le statut EURL. Toutefois, il comporte un avantage considérable sur l’EURL en raison de la simplicité des formalités de création : pour créer une EIRL, il suffit de déposer une déclaration d’affectation au centre de formalités des entreprises, alors que pour créer une EURL, la rédaction de statuts et l’accomplissement de diverses formalités seront nécessaires.

Ce statut a pour principal avantage de permettre aux entreprises individuelles de séparer leur patrimoine professionnel de leur patrimoine personnel.

La structure juridique repose, comme pour l’EURL, sur la personne physique du chef d’entreprise, mais celui-ci a la possibilité de protéger ses biens privés par l’affectation du patrimoine utilisé pour l’activité.

Un modèle de déclaration d’affectation est disponible auprès des centres de formalités des entreprises (CFE).

L’autre avantage majeur réside dans la possibilité offerte au chef d’entreprise d’opter pour le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés, dans les mêmes conditions que l’EURL. Cette option change le mode de calcul des cotisations sociales : la base de calcul ne sera plus les bénéfices du chef d’entreprise mais sa rémunération réelle, qui viendra en déduction du résultat.

Le statut de l’EIRL peut être choisi lors de la création de l’activité ou en cours d’activité.

Portage salarial

C’est un statut à mi-chemin entre celui d’indépendant et celui de salarié.

Création :
Pour s’installer en portage salarial, il faut faire appel à une société de portage qui assurera l’interface administrative avec les clients (Missions-Cadres par exemple). L’inscription est rapide, mais il convient aussi de bien se renseigner auprès de diverses entreprises, car les services proposés ne sont pas tous les mêmes. L’interprète et la société de portage sont liés par une convention de portage qui définit, entre autres, les engagements réciproques de la société de portage et du traducteur, le montant des frais de gestion, les modalités de versement du salaire et de remboursement des frais de mission et de fonctionnement. Cette convention n’a pas valeur de contrat de travail. Lorsque le traducteur trouve un client, ce client signe un contrat de prestation avec la société de portage, qui signe alors un contrat de travail avec le traducteur. Ce contrat peut prendre plusieurs formes (CDD, contrat à temps partiel, voire CDI). La société de portage aura au préalable effectué une DUE (déclaration unique d’embauche) qui garantit l’inscription du traducteur dans tous les organismes sociaux.

Cette société conclut les contrats, émet et encaisse les factures et les reverse au traducteur sous forme de salaire après avoir prélevé les cotisations sociales (patronales et salariales) ainsi que des frais de gestion (généralement environ 10%). Certaines sociétés proposent des taux de gestion dégressifs, mais pas toutes.

La société de portage ne fournit pas de travail aux professionnels recourant à ses services, mais ce mode d’exercice évite de passer beaucoup de temps en administration et de risquer son patrimoine personnel. Comme le libéral et l’auto-entrepreneur, l’interprète et le traducteur en portage doit se constituer une clientèle, gère son emploi du temps et assure ses prestations en toute autonomie. C’est un mode d’exercice qui peut permettre de tester une activité professionnelle sans risque avant de se lancer à son compte.

Régime fiscal :
Du point de vue juridique, le traducteur « porté » est un salarié. Il déclare donc ses revenus en tant que traitements et salaires sur la déclaration2042, comme n’importe quel autre salarié. Il suffit de recopier dans la case prévue à cet effet le montant du salaire annuel indiqué sur le dernier bulletin de salaire de l’année.

Protection sociale :
Le traducteur jouit de tous les éléments de protection sociale attachés au statut de salarié: sécurité sociale, prévoyance, retraite et assurance chômage. Pour la retraite, c’est le montant de la rémunération annuelle brute qui est pris en compte, indépendamment de la répartition sur l’année. Si un débutant cotise sur un salaire brut de 800 SMIC horaires du 1er janvier au 28 février, il a acquis les trimestres de retraite nécessaires pour l’année concernée (200 SMIC = un trimestre).

Responsabilité civile professionnelle :
Une assurance responsabilité civile professionnelle est comprise dans les frais de gestion de certaines sociétés de portage. Dans d’autres sociétés où la RCP n’est pas comprise dans le taux de gestion, le porté devra, s’il le souhaite, souscrire un contrat spécifique.

Formation :
Dans la mesure où le traducteur ou interprète en portage totalise un nombre suffisant d’heures travaillées, il peut demander la prise en charge d’une formation professionnelle, comme tout salarié. Les frais afférents aux séances de formation suivies sont remboursés à 100 % : frais pédagogiques, de déplacement et de repas.

Les avantages du portage sont la simplicité de démarrage et de fonctionnement (pas de comptabilité à tenir, pas de déclaration européenne de services à remplir) et l’absence de plafond de chiffre d’affaires annuel hors taxes.

Pour être complet sur le portage salarial, sachez que vous pouvez rejoindre une CAE (coopérative d’activités) qui est une SCOP regroupant des professionnels exerçant des activités différentes et ayant choisis le portage salarial. Si cela vous intéresse, dites le moi et je vous mettrais en contact avec des interprètes qui ont choisi ce type de structure.

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Lien vers l’article d’Aprotrad : les différents statuts juridiques pour exercer en indépendant

© Stéphan – ( i ) LSF

C’est la rentrée des classes, même pour les interprètes en langue des signes

Enseigner c’est transmettre. Cela ne peut se faire que grâce à une langue commune qui permet les interactions entre le professeur et l’élève. Ce postulat de départ souligne la nécessaire présence d’interprètes F-LSF durant les parcours scolaires des jeunes sourds, pour que chacun puisse s’exprimer dans la langue de son choix (français oral ou écrit, langue des signes française – LSF) et être compris de l’autre.

Il convient cependant de relativiser cette première assertion. En effet, il n’est pas certain qu’il faille, dès l’école maternelle ou primaire, mettre des interprètes F-LSF dans une classe. De nombreuses études en sciences de l’éducation montrent que la langue des signes, si elle est donnée à voir et si elle est enseignée dès le plus jeune âge, ne va réellement s’acquérir, se construire et être correctement structurée que vers l’âge de dix ou douze ans. À condition, bien sur qu’on mette l’enfant, dès ses premières années, dans une situation adéquate, c’est à dire avec ses pairs (des référents sourds par exemple) qui ont une excellente maîtrise de la langue des signes, et qui assurent un enseignement direct dans la classe. C’est pourquoi il est sans doute préférable que la priorité soit donnée, dans ces premières années de scolarisation, à la présence d’enseignants sourds ou entendants – mais très bons signeurs – et formés à la pédagogie adaptée aux enfants sourds ou malentendants.

En revanche, la présence d’interprètes en langue des signes en secondaire et à l’université se justifie même s’il serait préférable qu’il y ait aussi des cours en direct avec des professeurs signeurs car c’est moins fatiguant à réceptionner et cela permettrait un échange plus naturel, plus réel.
Malheureusement ces professeurs sont rares dans le supérieur car l’Education Nationale dans son organisation ne permet que difficilement aux sourds de suivre une scolarité « normale » et d’obtenir des diplômes permettant l’enseignement, d’où le manque de professeurs sourds… Bref c’est le chat qui se mord la queue.

L’interprète en milieu scolaire ne traduit pas que des cours. Il traduira aussi des réunions pédagogiques, des conseils de classe (si des élèves sourds sont, par exemple, élus délégué de classe). Il peut être amené à traduire des entretiens si le jeune a besoin de rencontrer l’infirmière ou le CPE. Moins amusant il peut être sollicité pour traduire un conseil de discipline ou un entretien avec des parents sourds convoqués suite aux comportements répréhensibles de leur fils… Il peut aussi être présent lors des examens pour traduire les consignes et éventuellement certaines questions ou problème de compréhension du vocabulaire.
Bref ses taches sont multiples, mais il interviendra cependant principalement en classe à côté du professeur

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Voici à présent quelques éléments d’information pour travailler en bonne harmonie avec un interprète F-LSF  durant un cours.

Une remarque pour commencer : avant d’être « un interprète en milieu scolaire », l’interprète est d’abord un interprète diplômé. Comme tous ses collègues il est soumis au code déontologique de l’AFILS avec ses fameuses trois règles à savoir : secret professionnel, fidélité au message, neutralité.

Où se place l’interprète ? 

Dans la salle de classe, il est généralement près de l’enseignant, bien visible des élèves sourds. Tandis que le professeur parle ou bien qu’un élève répond à une question, l’interprète les traduit en langue des signes française. Inversement lorsqu’un étudiant sourd s’exprime dans sa langue, la LSF, l’interprète traduit ses propos en français oral compréhensible par le reste de la classe. Il ne s’assoit pas à côté des élèves sourds (comme le ferait un AVS par exemple) pour les aider à suivre le cours, à faire un exercice, à prendre des notes…
Présent dans la classe il permet à ces deux communautés linguistiques de se parler, de communiquer, de se comprendre.

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Que traduit-il exactement ?

La réponse est simple : tout.
J’ajouterai, néanmoins, « dans la mesure du possible » car certaines classes sont plus bruyantes ou plus volubiles que d’autres, et s’il y a sept ou huit jeunes collégiens qui parlent en même temps, la tâche devient ardue (nous n’avons que deux mains ! ). Généralement l’interprète va une première fois interrompre et expliquer gentiment : « s’il vous plaît, je ne peux pas traduire tout le monde ! » Puis le brouhaha recommençant, à la fin peut-être qu’il lâchera prise et traduira celui qui parle le plus fort, celui qui prend la parole le premier, celui que le professeur pointe du doigt…

Néanmoins son rôle reste de traduire en langue des signes tout ce que les personnes présentes entendent dans la salle. Le cours, bien sur, mais également l’élève qui s’énerve contre sa mauvaise note, le professeur qui hurle contre un élève qui joue avec son téléphone portable, les deux jeunes filles au premier rang qui se moquent trop fort du garçon assis à côté.
Quelques bruits extérieurs également, la sonnerie de la fin des cours par exemple.
Tout ce qui se dit, tout ce qui est audible dans la salle est traduit afin que les élèves sourds participent pleinement non seulement à l’enseignement mais aussi à l’ambiance du cours, ses moments de rigolade, ses instants de fortes tensions…
Parallèlement tous les signes que feront les élèves sourds seront traduits. Une question au professeur, une réponse (bonne ou erronée), une remarque désobligeante sur la qualité de la nourriture à la cantine…
Par contre, il n’explique pas, il ne reformule pas le discours du professeur, il ne précise pas un point de détail, il ne corrige pas une réponse ; simplement il traduit ce qui est dit ou signé dans l’enceinte de la salle ou de l’amphi.

Grâce à sa présence chacun est égal dans la réception des informations.
Dans l’enseignement supérieur, quand les cours deviennent denses, qu’ils se complexifient, les interprètes travaillent en binôme, se relayant toutes les 15 minutes environ. Tandis que l’un traduit, l’autre se repose mais « activement » en restant vigilant aux propos échangés afin de « souffler » à son collègue si celui-ci butte sur une phrase, ne comprend pas un concept ou n’entend pas le nom du Général de l’armée allemande prononcé au fond de la classe.

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Quelle place pour l’enseignant ? 

Pour un enseignant, travailler avec un interprète à ses côtés peut-être au départ déstabilisant.

Il faut d’abord s’habituer à avoir une personne à un mètre de soi qui « agite » ses mains.
Ensuite le professeur doit comprendre que l’interprète n’est pas là pour se substituer à lui. L’interprète ne le corrigera pas même s’il dit une ânerie, il n’interviendra pas pour aider les élèves sourds à comprendre le cours, à répondre à une question en leur donnant des indices, il ne dira pas non plus quel est l’élève qui a lancé la boulette de papier même s’il l’a vu contrairement à l’instituteur…

L’interprète n’est pas un pédagogue, il n’est pas expert de la discipline qu’il traduit,  il ne peut pas et il n’est pas là pour « aider » le prof à adapter sa pédagogie. Mais grâce à sa connaissance des deux mondes, celui des sourd et celui des entendants, il peut donner à l’enseignant quelques judicieux conseils qui sont liés à ce qu’on pourrait appeler les spécificités de culture sourde et la nécessaire « adaptation culturelle ». Ensuite, libre à ce dernier de les suivre ou pas.

Si l’interprète peut donc aider l’enseignant à mieux comprendre le monde des sourds pour parfois adapter son enseignement, l’enseignant peut aussi aider l’interprète dans son travail de traduction :

– en lui fournissant des éléments de son cours en avance (power-point, plan du cours, vocabulaires techniques…) ;
– en utilisant régulièrement le tableau pour noter les chiffres compliqués, les noms propres, les dates… ;
– en l’informant qu’une vidéo sera diffusée (et en la lui projetant avant le début du cours) et/ou en choisissant si possible un film sous-titrés en français ;
– en s’assurant que la classe est bien éclairée, que l’interprète n’est pas placé à contre-jour, qu’éventuellement il bénéficie d’un siège ;
– en pensant à aménager des pauses dans son enseignement pour que l’interprète puisse baisser les bras.

Quand des élèves sourds sont en inclusion dans une classe d’élèves entendants, il existe souvent un fossé entre eux par manque de communication, d’échanges. Grâce à une meilleure coordination entre le corps professoral et le corps des interprètes on peut croire qu’il sera en partie comblé en respectant non seulement l’identité de chacun (élèves et professeurs) mais aussi leur autonomie.
On doit aussi espérer qu’ainsi un plus grand nombre d’étudiants sourds réussiront les concours du CAPES, du CAPEJS voire de l’agrégation et que demain, les interprètes en langue des signes traduiront régulièrement des professeurs sourds enseignant en langue des signes vers des étudiants entendants ayant besoin d’une traduction en français oral.

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© Stéphan – ( i ) LSF

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D’autres article sur ce blog ont évoqué ce sujet :
L’interprétation en milieu scolaire
L’interprète et le professeur 

Article du Parisien : « Bourg-la-Reine : les interprètes en langue des signes lancent la révolte »

Depuis une semaine et la grève déclenchée samedi 30 mai, avec mes collègues interprètes de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg-la-Reine (dont je suis salarié un jour par semaine) nous communiquons et utilisons les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, ce blog bien sur…) pour faire comprendre nos motivations et tenter de fédérer des soutiens notamment via une pétition en ligne ( http://ppfr.it/ilsengreve ).
Il faut croire que cette « agitation » est efficace car nous avons réussi à attirer la curiosité et l’attention d’une journaliste du Parisien, Pascale Autran. Elle a pris contact avec certains d’entre nous pour rédiger un article sur cet évènement.
Je vous mets en copie cet article et vous trouverez à la fin de ce billet le lien vers le site web du Parisien.
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Bourg-la-Reine : les interprètes en langue des signes
lancent la révolte

« C’est un métier mal connu, et surtout mal reconnu : les interprètes en langue des signes de l’Institut des jeunes sourds de Bourg-la-Reine lancent la révolte. Samedi, pendant la journée des parents, ils ont fait grève, du jamais vu dans cette institution vieille de 150 ans.

Fondé en 1861 par le père Bonhomme, l’Institut accueille 155 enfants sourds et malentendants, de la maternelle au bac, avec une école et un internat. Il est géré depuis 2011 par une association religieuse, Œuvres d’avenir. «C’est une belle histoire qui doit continuer dans de bonnes conditions», clame Stephan, l’un des interprètes en colère. En cause, le niveau de statut et de salaire d’une profession mal considérée, qui exige pourtant 5 ans d’études après le bac. «On nous paie au niveau d’un bac +2, proteste Stephan, le salaire d’embauche ici ne dépasse pas 1 300 €».

A l’Institut, les 9 interprètes traduisent les cours des professeurs, ils interviennent aussi lors des réunions de l’équipe professionnelle. «C’est un travail difficile, explique Théa, une autre interprète. Il ne suffit pas de connaître les signes, il faut traduire en simultané !» Le statut des interprètes est régi par une convention collective, la convention 66. «Elle nous place au même niveau que des animateurs de jardin d’enfant !» déplore Stephan, qui avec ses collègues réclame sa remise en cause. Une pétition a déjà recueilli plus de 250 signatures, et une lettre est partie ce mercredi pour réclamer un rendez-vous à l’ARS, l’Agence régionale de santé. Faute de réponse rapide, les protestataires menacent de nouvelles actions. Contactée, l’ARS n’a pas donné suite.

Du côté de la direction de l’Institut, on comprend les revendications : «La convention 66 qui nous régit ne permet pas de les payer au niveau de leurs compétences, pourtant reconnues, déplore-t-elle. Le risque, c’est que l’on vide nos établissements de gens compétents». Et de juger «complètement obsolète» un texte qui s’applique pourtant à la plupart des structures du même type.

Si l’étincelle est partie de Bourg-la-Reine, le mouvement de grogne pourrait donc bien s’étendre rapidement ailleurs en France, qui compte près de 450 interprètes en langue des signes. »

Retrouvez l’article sur le site du Parisien en cliquant ici

© Le Parisien – Pascale Autran

Communiqué des interprètes F/LSF suite à la journée de grève du 30 mai

L’équipe des interprètes de l’IJS de Bourg-la-Reine (dont je fais partie) a publié un communiqué pour faire le point après sa journée d’action du samedi 30 mai.

Le voici :

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Samedi 30 mai l’équipe des interprètes F/LSF de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg-la-Reine a décidé de se mettre en grève sur une journée institutionnelle de recueil des attentes (rencontres parents, enfants, professionnels). Ce mouvement a fédéré tous les interprètes salariés.

La Direction a été contrante d’annuler l’ensemble des rendez-vous pris sur cette journée, exceptés ceux qui étaient assurés durant deux heures dans la matinée par des interprètes extérieurs.

Une « pétition papier » a permis de recueillir ce même jour plus de 130 signatures (professionnels et parents).

L’Agence Régionale de la Santé (ARS) a été informée de notre mouvement de grève le vendredi précédent. Elle a pu prendre conscience de l’importance de notre rôle et surtout du préjudice comptable que ce mouvement allait engendrer. Elle a d’ailleurs demandé à notre direction un rapport chiffré sur les pertes financières conséquentes occasionnées par notre grève.

La direction de l’établissement (à ne pas confondre avec celle de l’association Œuvres d’Avenir qui chapeaute l’Institut) nous a reçu et nous a exprimé son soutien. Plusieurs de ses cadres ont signé notre pétition jugeant nos revendications légitimes.
Mais elle nous a également  rappelés qu’elle n’avait pas de pouvoir décisionnaire en matière budgétaire et que seule l’Association Œuvres d’Avenir en lien avec le financeur (l’ARS) pourrait donner une suite favorable à nos demandes.

A présent nous devons nous rapprocher d’un syndicat majoritaire pour les futures négociations avec les autorités tutélaires. Parallèlement nous demandons a être reçu par l’ARS 92 avant le 1er juillet.
Sans réponse favorable de leur part nous n’hésiterons pas à lancer d’autres appels à la grève.

Nous avons mis en ligne une pétition pour que chacun d’entre vous puisse soutenir notre mouvement. Un nombre élevé de signatures donnera encore plus de force à nos revendications salariales.
Par avance merci.

http://ppfr.it/ilsengreve 

L’équipe des interprètes de l’IJS de Bourg-la-Reine : 
Sylvia Babin
Stéphan Barrère
Aurore Batista
Ricardo de Barros
Anne Ginat
Amandine Monlouis
Théa Nougaro
Nathalie Quétel
Stéphanie Weis
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Grève des interprètes de l’IJS de Bourg-la-Reine

Les interprètes salariés de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg-la-Reine (dont je fais partie) se sont mis en grève samedi 30 mai.

C’est une première dans l’histoire de cet Institut et un évènement très rare pour notre profession.

Décider de ne pas traduire une journée durant laquelle les parents viennent rencontrer les équipes pédagogiques (journée nommée « Recueil des Attentes ») pour faire le bilan de l’année écoulée et envisager l’avenir pour leurs enfants ne se prend pas sur un coup de tête.

Depuis plusieurs mois, les interprètes F/LSF réclament auprès de la direction de l’association Œuvres d’Avenir, qui chapeaute l’Institut, une hausse de leurs rémunérations et une évolution de leur statut.
Comme dans la majorité de ces Instituts, les interprètes en langue des signes dépendent de la Convention 66 : lors d’un entretien d’embauche, il est demandé à l’interprète d’être titulaire d’un diplôme de niveau I – master 2 (bac + 5) d’interprétation en langue des signes (ce qui est logique). Pourtant sa rémunération continue d’être alignée sur des métiers de niveau III (bac + 2) soit moins de 1300€ net par mois pour un jeune diplômé.

Des courriers ont été rédigés, une réunion a eu lieu, différents organismes ont été interpellés (Agence Régionale de la Santé, Conseil régional…) mais à ce jour rien. Pas une proposition concrète, pas de calendrier sur des évolutions possibles, pas de chiffrages des possibilités financières de l’Association.
Rien sauf une vague promesse « d’essayer d’évoquer la question lors d’une future rencontre avec l’Agence Régionale de la Santé ».

Pourtant en Ile-de-France, les interprètes en langue des signes travaillant dans d’autres instituts ont pu renégocier depuis longtemps leur salaire et statut à la hausse. D’où cet appel à la grève, samedi 30 mai qui fut suivi à 100% par les interprètes salariés. Ils ont profité de leur présence dans l’établissement pour informer les autres professionnels (professeurs, corps médical, employés et cadres administratifs…) , les familles et les élèves sur les motifs de cette grève et de la légitimité de ce combat.

Ce n’est qu’une première étape et ce mouvement a d’abord permis de montrer à la direction la volonté de voir aboutir leurs revendications au plus vite et pour commencer, que ces exigences soient inscrites à l’ordre du jour de la prochaine réunion qui aura lieu entre Œuvres d’Avenir et l’Agence Régionale de la Santé (ARS) début Juillet.

Vous pouvez soutenir leur action en signant la pétition en ligne :

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